Présidentielle au Mali : un mort et une faible mobilisation pour le second tour
Les Maliens votaient, dimanche 12 août, pour départager Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé. Si l’affiche, identique à celle de 2013, passionne peu les électeurs, ce second tour est marqué par deux défis : la sécurité et la transparence. Retour sur une journée marquée par des incidents et la défiance entre les acteurs politiques.
Présidentielle au Mali : dernière ligne droite
Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé s’affrontent dimanche 12 août pour le deuxième tour de la présidentielle malienne. Si le premier bénéficie d’une confortable avance, le second croit encore dans ses chances de retourner la situation. Le point ici sur les résultats, les ralliements, l’enjeu de l’abstention et les défis sécuritaire et organisationnels du scrutin.
L’affluence a été faible dans les bureaux de vote de Bamako pour ce second tour de la présidentielle. Le taux de participation, habituellement bas au Mali, devrait l’être encore plus à l’issue de ce scrutin, malgré les nombreux appels à la mobilisation des deux candidats en lice.
Dans les centres de vote couverts par le Pool d’observation citoyenne du Mali (Pocim), le taux de participation concernant 1 571 bureaux de vote est estimé à 22,38% à la fermeture des bureaux. Les taux moyens de participation constatés sont de 24,53% à Kayes, 15,20% à Koulikoro, 21,93 à Sikasso, 18,73% à Ségou, 18,66% à Mopti, 34,66 % à Tombouctou, 16,39% à Gao, 8,49% à Kidal et 23,54% à Bamako.
L’affiche du second tour, exactement la même qu’il y a cinq ans, peine en effet à passionner. Le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta, arrivé largement en tête au premier tour avec 41,70%, affronte de nouveau le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, qui a remporté 17,78% des suffrages. En 2013, la participation avait été de 48,98% au premier tour et de 45,78% au second.
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Mort d’un président de bureau de vote
Premier enjeu de cette journée : la sécurisation du scrutin. Alors que le vote avait débuté dans le calme, de nombreuses violences ont émaillé le déroulement du scrutin au cours de la journée. Même si 99 % des 765 bureaux de vote couverts par le Pocim ont ouvert dans la matinée, le regroupement d’organisations de la société civile déplorait toutefois à la mi-journée de nombreux « incidents et actes d’intimidation ».
« Le président du bureau du village de Arkodia, dans le cercle de Niafunké (Tombouctou) a été assassiné. Les quatre assesseurs ont été également molestés et le bureau de vote brulé », a annoncé le Pocim. Sa mort a également été confirmée par des sources sécuritaires. « Des jihadistes sont venus vers 13 h 30, heures locales, dans un bureau de vote d’Arkodia », une localité située à quelque 100 km au sud-ouest de Tombouctou, dans une zone régulièrement visée par des attaques de groupes islamistes, a indiqué à l’AFP un élu local. « Ils ont demandé à tout le monde de lever les mains. Le président du bureau de vote a voulu fuir. Les jihadistes ont tiré sur lui et l’ont tué. (…) Ils ont molesté tout le monde (et) interdit le vote », a-t-il ajouté.
Plusieurs bureaux n’ont également pas pu ouvrir suite à la menace sécuritaire dans le Centre. Les opérations de vote ont été suspendues à Sendegué et Takoutala dans le cercle de Mopti, « après le renvoi des agents électoraux par des hommes armés aux environs de 12 heures ». Les agents ont également été chassés à Bouati, dans la commune de Niafunké, obligeant l’arrêt des opérations selon les observateurs nationaux.
Pour l’instant, les chiffres officiels sur le nombre de bureaux de vote concernés ne sont pas encore connus. Mais le scrutin n’avait déjà pas pu se tenir dans plus de 871 d’entre eux le 29 juillet, selon une liste publiée par le ministère de l’Administration territoriale.
Le Pocim a également annoncé avoir constaté « l’absence de présidents de quelques bureaux de vote et d’assesseurs ainsi que celle d’au moins un délégué dans 172 bureaux sur les 765 qu’il observe, soit 22,93%. » Les observateurs maliens ont également relevé « l’absence de liste électorale et la mauvaise qualité de l’encre » dans plusieurs bureaux de vote à Sikasso, Koulikoro, Gao et Bamako.
Un incident concernant la désignation de l’assesseur de l’opposition à Mopti a aussi marqué ce début de vote, celui-ci ayant été « désigné par le sous-préfet », alors que Soumaïla Cissé avait obtenu de choisir ses assesseurs dans l’ensemble des bureaux de vote pour le second tour.
L’opposition a fait de la sécurisation l’une de ses exigences afin d’éviter « des fraudes et bourrages d’urnes ». La mission d’observation de l’Union européenne avait pour sa part exigé et obtenu des autorités la publication des résultats par bureaux de vote et la liste des bureaux où le vote n’a pas eu lieu.
Cécile Kyengé, chef de la mission d’observation de l’UE, a salué à la mi-journée le fait que le scrutin avait « commencé à l’heure » dans les 40 bureaux de vote dans lesquels ses observateurs étaient présents. Elle a cependant insisté sur la nécessité de garantir « la transparence et la sécurité » de ce second tour.
Sécurisation
Le gouvernement s’est engagé à renforcer le dispositif sécuritaire. Samedi 11 août, à la veille du second tour, le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga et le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Général Salif Traoré, se sont rendus à Mopti « afin de constater l’opérationnalité du dispositif de sécurisation ».
Le Premier ministre y a annoncé « une combinaison des moyens terrestres et aériens des forces armées et de sécurité, incluant le déploiement de 6 000 hommes supplémentaires sur l’ensemble du territoire. » Ce qui porte les effectifs à 36 000 hommes, toutes forces confondues, chargés de la sécurisation des bureaux de vote. Il a également demandé « aux habitants de la région et aux Maliens de ne pas se laisser intimider par les menaces ».
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Le MATD a de son côté publié une directive portant sur la possibilité, pour certains bureaux de vote où des violences ont perturbé le scrutin, d’être déplacés pour des raisons de sécurité. Une décision saluée par les observateurs nationaux et internationaux. La mission d’observation de l’Union européenne a cependant préconisé que la nouvelle localisation fasse l’objet d’un consensus préalable entre les candidats et les partis politiques et que le public soit largement informé.
Défiance
La courte campagne de l’entre-deux tours a été marquée par un climat de défiance entre le gouvernement et l’opposition, faisant même peser des inquiétudes sur l’acceptation des résultats issus des urnes. L’opposition a organisé une marche à Bamako, à la veille du scrutin, pour protester « contre la fraude et un hold-up électoral ». Et depuis l’ouverture des bureaux, les équipes du chef de file de l’opposition dénoncent déjà des irrégularités.
Dans la nuit de samedi à dimanche, Tiébilé Dramé, directeur de la campagne de Soumaïla Cissé, a affirmé être « entré en possession d’un carnet de bulletins de vote, samedi 11 août dans l’après-midi à Bamako ». Pour l’équipe de l’opposant, ces lots de bulletins, placés sous la responsabilité du MATD selon la loi électorale, devraient être « placés sous scellés et ouverts dans les bureaux de vote le jour du scrutin en présence des mandataires des candidats et des assesseurs ».
« Cette découverte préoccupante constitue une preuve supplémentaire des anomalies qui émaillent la préparation et l’organisation de cette élection présidentielle », a accusé Tiébilé Dramé, tout en appelant à la « vigilance » des observateurs et de la communauté internationale.
« Sortons pour voter dans le respect et la sérénité », a pour sa part déclaré Ibrahim Boubacar Keïta, après avoir glissé son bulletin dans l’urne, dans la matinée à Sébénicoro, à Bamako. Le président sortant a par ailleurs appelé à ce que « tout le monde évite la violence ».
« Mon souhait est que tout le monde évite la violence...Sortons pour voter dans le respect et la sérénité », affirme le président sortant, candidat à sa propre succession. #Mali #Koulouba2018 pic.twitter.com/ykV67qzrwV
— Mikado FM 📻🇲🇱 (@mikadofm) August 12, 2018
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Présidentielle au Mali : dernière ligne droite
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