« Nous pouvons jouer dans la cour des grands »

Olivier Poivre d’Arvor, directeur de Culturesfrance

Publié le 29 mai 2006 Lecture : 4 minutes.

Jeune Afrique : Vous apparaissez comme le grand gagnant de cette réforme de l’action culturelle internationale dont vous êtes appelé à diriger le nouvel opérateur, Culturesfrance. En êtes-vous l’auteur ?
Olivier Poivre d’Arvor : Non. J’ai bien sûr été associé à cette réforme, mais je dirais plutôt qu’elle a des paternités multiples. Elle est née de constatations partagées par beaucoup depuis des années. Et finalement, elle a été clairement dictée par la volonté politique du ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy. Le rapport sur lequel le ministre s’est appuyé est l’uvre d’un ancien diplomate, Jacques Blot, qui présidait l’ADPF, elle-même appelée à fusionner avec l’Afaa dans le cadre de Culturesfrance. Et, pas plus que je ne suis le « gagnant » de quoi que ce soit, Blot n’est évidemment pas le « perdant » d’une réforme qu’il a lui-même contribué à dessiner ! Nous avons, lui et moi, toujours travaillé en tandem, avec la seule préoccupation de faire avancer le dossier, c’est-à-dire de mieux promouvoir la culture française dans le monde. Il fallait avant tout créer une nouvelle dynamique.

Pourquoi le réseau des services culturels, des instituts, des centres culturels et des alliances françaises n’est-il pas concerné par cette réforme ?
Soyons réalistes : si on avait voulu aller plus loin, on aurait risqué le blocage. L’idée était de créer un objet nouveau qui va redéfinir ses méthodes et ses actions. Aujourd’hui, mon pari est de dire que Culturesfrance, la nouvelle agence, sera assez bien identifiée pour installer rapidement des correspondants dans le réseau existant des ambassades et des établissements culturels français à l’étranger. Par exemple, des attachés spécialisés, dans le cadre de conventions signées avec l’Alliance française dans des pays tests, comme le Brésil, qui permettront de mettre en uvre des projets partagés. L’objectif est, bien sûr, de sortir de la situation actuelle, qui consiste à voir se côtoyer, sans communiquer, des opérateurs culturels ayant non seulement la même mission, mais des financements communs !

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S’agissant des moyens financiers, la réforme aura-t-elle pour effet de les augmenter ou se contentera-t-elle de regrouper des budgets auparavant dispersés ?
Tout d’abord, elle garantit le maintien des moyens de financement publics de l’action culturelle. Par les temps qui courent, 30 millions d’euros, ce n’est pas rien En outre, grâce aux économies qu’elle permettra de réaliser, aux rationalisations, etc., on pourra sans doute obtenir une meilleure utilisation des crédits. Mais le véritable enjeu financier de la création de Culturesfrance réside avant tout dans une plus forte mobilisation de la capacité de financement du privé. Nous avons fait la preuve, à l’Afaa, que ces soutiens existent, surtout depuis le vote de la loi de 2003 sur le mécénat culturel. La culture intéresse à nouveau les entreprises. Et nous devons être en mesure de mobiliser tous les concours au service de nos actions, dès lors que nous en restons clairement les concepteurs et les organisateurs. Il ne s’agit en aucun cas de renoncer à nos missions de puissance publique sur le long terme, comme la formation, par exemple. Mais d’assurer à nos partenaires – collectivités locales, fondations, grands mécènes français ou étrangers, fonds européens – la visibilité qui est généralement la clé de leur envie de participer à des manifestations plus spectaculaires.

Quand serez-vous en mesure d’afficher les changements induits par la mise en place de la nouvelle structure ?
Dès la rentrée d’octobre. Avec, par exemple, deux chantiers qui auraient été inimaginables dans le contexte précédent, sans ce nouveau label et cette volonté de mieux coordonner nos missions : la construction d’une Villa Senghor à Gorée, au Sénégal, dont le projet est soutenu au plus haut niveau par les autorités françaises et sénégalaises, et dont le plan de financement est désormais bien avancé. Ce sera en quelque sorte une Villa Médicis en Afrique. Et une autre Villa pour les artistes français, à New York, celle-là. Sans parler des efforts que nous ferons pour le développement des échanges culturels dans la Caraïbe, ou encore pour relancer la présence internationale du théâtre français.

Jusqu’ici, le seul élément concret de la réforme a été l’annonce par le ministre du mariage entre l’Afaa et l’ADPF. De quelle nature sera l’organisme mis en place ?
Ce sera un établissement public industriel et commercial (Epic), ce qui autorisera une grande souplesse sur le plan financier. Pour l’heure, nous attendons la loi ou le décret qui le fera naître, ce qui ne nous empêche absolument pas de fonctionner dans le nouveau contexte grâce à une « association de préfiguration » qui est d’ores et déjà en place.

L’actrice Fanny Ardant a été proclamée « marraine » de Culturesfrance. Pourquoi ce choix ?
Fanny est avant tout, pour moi, quelqu’un qui porte en soi le désir de l’échange. Elle est une femme de cultures, au pluriel, qui va au-devant de l’étranger, avec générosité, sans craindre pour autant de s’afficher comme Française. Et c’est sans doute cela qui nous rapproche : je n’ai, moi non plus, pas peur de porter mon nom, ?qui indique clairement d’où je viens même si j’aurais peut-être ?préféré m’appeler Lawrence ?d’Arabie !

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