Le fils à scandale

L’aîné des enfants de l’ex-président a été inculpé de complicité d’assassinat. Une histoire d’argent sale, de tueur à gages et de femme fatale…

Publié le 29 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Cette fois, l’enfant terrible des Chissano a du souci à se faire. Depuis le 9 mai dernier, Nyimpine, le fils aîné de l’ancien président Joaquim Chissano, est mis en examen par le ministère public mozambicain pour « complicité » dans l’assassinat du journaliste Carlos Cardoso. Jusqu’à présent, Nyimpine Chissano, homme d’affaires de 36 ans, avait réussi le tour de force de rester simple témoin. Aujourd’hui, il est toujours en liberté, mais il est dans la ligne de mire.
Au commencement, l’affaire est mafieuse. Rien ne manque pour un scénario de film noir : l’argent sale, le tueur à gages, le complice qui passe aux aveux, et même la femme fatale Quand il est tué par balles dans son véhicule en plein centre de Maputo, le 22 novembre 2000, le journaliste d’origine portugaise Carlos Cardoso, 48 ans, cherche à savoir où sont passés 14 millions de dollars lors de la privatisation de la Banque commerciale du Mozambique (BCM). Comme en Russie, la vente des fleurons de l’État marxiste aiguise les appétits.
Dans son journal Metical, Cardoso met notamment en cause un homme d’affaires d’origine pakistanaise, Momade Abdul Satar, dit « Nini » Satar. Celui-ci est arrêté avec cinq complices présumés, puis traduit en justice. Le 20 novembre 2002, coup de théâtre : en pleine audience, et devant tous les Mozambicains qui suivent le procès en direct à la télévision, Nini Satar affirme qu’il a payé le tueur de Cardoso avec quatre chèques signés par Nyimpine Chissano. Montant total : 27 000 dollars. Joignant le geste à la parole, il présente les chèques à la cour !
Quelques jours plus tard, le 6 décembre, le fils du chef de l’État est appelé à témoigner. À Maputo, la vie s’arrête. Tout le monde regarde la télévision. À l’audience, Nyimpine Chissano ne nie pas avoir fréquenté Nini Satar. Mais il le traite de menteur. « Oui, c’est moi qui ai signé ces chèques, dit-il en substance, mais c’était pour payer la caution d’une amie afin qu’elle obtienne un prêt. » Quelle amie ? Candida Cossa, une femme élégante de 36 ans. Ancienne officier des douanes, elle s’est reconvertie dans l’import-export. Devant la cour, elle vient confirmer la version de Nyimpine. Problème : elle est intime avec le fils du président.
Pour « le fils du coq », comme l’appelle la presse de Maputo, les ennuis commencent. Fin décembre 2002, le procureur de la République ordonne l’ouverture d’une enquête à son sujet. Le 31 janvier 2003, quand les six accusés sont condamnés à de très lourdes peines de prison, la mère de Carlos Cardoso s’écrie : « Alors, le fils du président, lui, il reste libre ! » Un mois plus tard, Candida se rétracte. Devant un juge, elle déclare qu’elle a menti à la cour pour protéger Nyimpine. Depuis quelques semaines, le couple battait de l’aile
Autre personnage clé, le tueur à gages Anibal Antonio Dos Santos, dit « Anibalzinho », un ancien mécanicien âgé de 34 ans. Après deux évasions – avec quelles complicités ? -, il est finalement capturé et condamné, le 20 janvier dernier, à vingt-neuf ans de prison. Un jour, il lâche : « S’il y a un nouveau procès, peut-être que je dirai tout. » De bonne source, il est aujourd’hui le témoin numéro un de l’accusation.
Pour l’heure, l’enfant terrible des Chissano a six mois pour organiser sa défense et convaincre le tribunal de Maputo de ne pas donner suite à la procédure enclenchée par le ministère public. En attendant, il espère rester en liberté. Il y a quelques jours, ses illustres parents ont obtenu une audience au parquet. Ils ont insisté sur l’état de santé de leur fils qui vient de subir une greffe du rein.
Y aura-t-il un procès Nyimpine Chissano ? Tout dépend de la marge de manuvre des magistrats. Depuis février 2005, Joaquim Chissano n’est plus au pouvoir. Certes, son successeur, Armando Guebuza, appartient au même parti que lui, le Frelimo, mais il a fait de la lutte contre la corruption l’un de ses chevaux de bataille. Les deux premiers procès ont été suivis à la télévision comme une telenovela brésilienne. Bref, les gens en redemandent.
En fait, l’affaire est devenue politique. Graça Machel, veuve du père de l’indépendance et épouse de Nelson Mandela, s’est déplacée personnellement à Maputo pour assister au premier procès. De son côté, le parti d’opposition Renamo se tient en embuscade. Le président Guebuza est sous pression. Quant à Joaquim Chissano, il doit méditer cette réflexion d’un de ses anciens ministres : « Le problème des enfants de chefs d’État, c’est que leurs parents n’ont pas le temps de s’en occuper. »

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