Le bout du tunnel ?

Assainissement des finances publiques, répression des fraudes fiscales et douanières, plans de relance des secteurs minier, agricole et forestier La reprise économique n’est plus un leurre.

Publié le 29 mai 2006 Lecture : 4 minutes.

Trois ans après avoir renversé Ange-Félix Patassé (15 mars 2003) et un an après son investiture à la tête de l’État (11 juin 2005), François Bozizé peut enfin espérer voir le bout du tunnel. Grâce à la mise en place d’un système de contrôle des recettes douanières, des impôts, des permis miniers et forestiers, des listes de fonctionnaires, des allocations familiales, l’action du gouvernement, dirigé par Élie Doté, commence à porter ses fruits. Le gain mensuel en termes de recettes fiscales a été de 800 millions de F CFA dès janvier-février 2006 et de l’ordre de 500 millions par la suite. Plus de 1 600 fonctionnaires fantômes ont été découverts, sans compter les milliers d’irrégularités dans les primes, les promotions et les indemnités. Le nombre d’agents de l’État a été ramené à 23 000 et la masse salariale à 3 milliards de F CFA, soit une économie mensuelle de 600 millions de F CFA. Le Fonds monétaire international (FMI) ne peut être que satisfait : la masse salariale a diminué de 1 % pour atteindre l’objectif fixé de 4,5 % du Produit intérieur brut (PIB). Mieux, le FMI, qui a été le premier à faire confiance à Bozizé en renouant avec la Centrafrique dès février 2005, prévoit une reprise de la croissance économique : 3,2 % en 2006, contre 2,2 % en 2005. Avec une évolution favorable des autres indicateurs (voir infographie).
Dès le 1er juillet 2005, l’Union européenne (UE) a repris son programme d’aide (urgence, budget et projets). Sous l’impulsion de son dynamique ambassadeur, Jean-Claude Esmieu, un programme de 107 millions d’euros (70 milliards de F CFA) est en cours : grands projets d’infrastructures (67 millions d’euros pour les routes et le transport fluvial), petits projets à caractère social et humanitaire (15 millions pour la santé, l’assainissement et les enfants des rues) et des aides diverses (25 millions pour les réformes, les finances publiques et l’assistance technique). À cela s’ajoutent les aides et les prêts de la France, de la Chine et de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC). La Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) sont en train de mettre la dernière touche aux mécanismes permettant à Bangui de régler les arriérés dus à ces deux institutions (35 milliards de F CFA au total), condition sine qua non de la reprise de leurs projets dans le pays. « Nous avons sensibilisé nos partenaires et nous espérons réunir une table ronde avec l’ensemble de nos bailleurs de fonds avant la fin de 2006 », nous a confié Nicolas Nganzé Doukou, ministre délégué des Finances et du Budget, à l’issue de sa réunion avec la BAD, le 18 mai, à Ouagadougou, au Burkina.
Cette étape importante dans la relance de l’économie permettra de normaliser les relations du pays avec ses partenaires bilatéraux et multilatéraux (avec un plan d’apurement des arriérés qui s’élèvent à 160 milliards de F CFA, hors BAD et Banque mondiale) et de financer les besoins d’investissement et de dépenses publiques pour la période 2007-2010.
D’ici là, les ministres devront redoubler d’efforts pour, chacun dans son domaine, consolider la paix civile (après les troubles meurtriers de janvier-février dans les régions frontalières avec le Cameroun, le Tchad et le Soudan), sécuriser les routes, renforcer la répression des fraudes fiscales et douanières (bois, diamants), reconstruire les infrastructures détruites ou saccagées (notamment lors des coups d’État de 1979, 1981 et 2003), redresser les finances publiques et poursuivre les réformes structurelles (administrations centrale et locales).
Pour Côme Zoumara, conseiller du président chargé de la Défense globale, le volet « désarmement, démobilisation et réinsertion » (DDR) est sur la bonne voie avec l’aide notamment du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Sur les 5 500 ex-combattants identifiés, 600 sont retournés à la vie civile. Les autres les imiteront d’ici à juin 2007.
De grands espoirs sont fondés sur la relance des secteurs minier, agricole et forestier sous la houlette de quatre ministres particulièrement décidés à en finir avec les « prédateurs de tout bord » – Sylvain Ndoutingaï (Mines et Énergie), Emmanuel Bizot (Eaux et Forêts), Parfait Anicet Mbay (Développement rural) et Émilie Béatrice Epaye (Commerce, Industrie et Investissement).
Après quarante ans de travail artisanal, le gouvernement est parvenu à conclure une série de contrats portant sur l’exploration et l’exploitation des ressources aurifères et diamantifères, avec l’entrée en lice de douze firmes internationales, comme De Beers (Afrique du Sud) et Axmin (Canada). Des gisements d’or et de kimberlite, en cours d’évaluation, semblent très prometteurs. Doté d’un massif forestier de plus de 5 millions d’hectares, le secteur du bois (grumes et sciages) rapporte à peine 30 milliards de F CFA par an en devises (l’équivalent de la facture pétrolière). Le nouveau code forestier (qui sera finalisé à la fin de l’année) devrait favoriser l’émergence d’une activité aux retombées multiples sur le reste de l’économie (transports, commerce, assurance, petits métiers).
L’agriculture ne sera pas en reste : plusieurs plans de relance sont en cours pour le coton (de 6 000 tonnes en 2005 à 65 000 tonnes en 2012), le café robusta, le tabac de cape Un code des investissements devrait relancer l’activité industrielle. Selon le ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération internationale, Sylvain Maliko, le nombre des entreprises est tombé de 400 à 40 en dix ans. Mais le slogan officiel « Kwa na kwa » (« le travail rien que le travail ») est perçu par les Centrafricains sous sa forme strictement pécuniaire : « le salaire rien que le salaire ». Après un an d’exercice, l’État continue à traîner le boulet des arriérés sur les salaires (sept mois) et sur les autres créances publiques intérieures : 230 milliards de F CFA pour la période 2003-2005, soit 30 % du PIB. Aucune stabilité intérieure ne sera assurée sans une solution définitive à ce problème lancinant.

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