En patrouille avec l’UA

En attendant l’arrivée annoncée des forces de l’ONU, le contingent de l’Union africaine tente de parer au plus pressé. Non sans grand mal.

Publié le 29 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Le major Essodina Kadangha, un officier togolais, pourchasse une bande de miliciens arabes qui a tenté de détrousser des villageois alors que ces derniers s’apprêtaient à se rendre au marché. En tentant soudain de prévenir le conducteur nigérian d’un autre véhicule de la mission qui risque de se perdre dans le désert, il s’écrit : « Arrêtez-vous ! arrêtez-vous ! arrêtez-vous ! Vous avez raté le virage ! » Il a de la peine à se faire entendre du haut de son blindé. Les radios qu’ils ont reçues en don sont réglées sur des fréquences différentes. Impossible de communiquer !
Ce jour-là, les miliciens, connus sous le nom de Djandjawids, se sont échappés. C’est presque le même scénario tous les jours. La force de l’Union africaine (UA) se bat pour contenir la violence dans cette région isolée où pas moins de 200 000 personnes ont trouvé la mort tandis que plus de 2 millions d’autres sont déplacées.
Le déploiement de la force de l’UA date de 2004. Elle a pour mission de contrôler le cessez-le-feu entre le gouvernement de Khartoum et les rebelles. Une trêve qui n’a jamais été respectée. Fort de 7 000 hommes, le contingent ne dispose pas d’équipements adaptés. Il faut compter un soldat pour 75 km2, et, par-dessus tout, son mandat est très limité. Il n’est pas autorisé à engager de combats pour arrêter les massacres.
La région est ballottée entre une paix qui se fait attendre et un chaos qui s’annonce de plus en plus menaçant. Le rôle que jouera l’UA déterminera le côté où penchera la balance.
Le mal que se sont donné diplomates africains et occidentaux pour arriver à un accord de paix le 5 mai dernier ne servira à rien si la force africaine ne parvient pas à assurer la sécurité dans les semaines et les mois à venir.
Un des problèmes sensibles reste le désarmement des Djandjawids. Il doit être achevé d’ici à octobre, sous contrôle de la force de l’UA. Démunie, celle-ci a déjà des difficultés à accomplir son mandat actuel, a fortiori à en ajouter d’autres, encore plus difficiles, définis dans l’accord d’Abuja.
Les personnes que les troupes de l’UA sont censées protéger, mais également celles qu’elles doivent contrôler apprécient peu leur action. Elles ne disposent que de très peu de pouvoir pour changer la dynamique de violence qui prévaut dans la région.
Le colonel Muraina Raji commande 800 hommes basés à Nyala, la capitale du Sud-Darfour. Selon lui, la limitation des moyens logistiques constitue le principal obstacle au retour de la paix dans le secteur dont il a la charge. « Si nous étions suffisamment équipés, on parlerait déjà du retour de la paix dans ce secteur qui est très vaste. Il n’y a qu’un seul bataillon. Ça irait mieux si j’en disposais de trois. »
Le major Kadangha, l’observateur togolais, est ici depuis dix mois. Il ne dispose en tout et pour tout que d’un épais registre dans lequel il consigne les procès-verbaux des plaintes et réclamations. Notamment à Menawashei, dans le Sud-Darfour. À croire que l’UA n’a d’autre mandat que de recueillir les plaintes et de patrouiller. Ses soldats ne sont pas payés régulièrement. Plusieurs d’entre eux n’ont pas reçu de solde depuis deux ou trois mois. Leur travail est pourtant difficile. Ils patrouillent sous un ciel de plomb du matin au soir et ne disposent, chacun, que d’une petite bouteille d’eau.
L’UA, qui rencontre énormément de difficultés, a fait partir les donateurs. Sa mission s’est ainsi retrouvée financièrement coincée. Ce qui explique, en grande partie, ses échecs. Mais ceux qui la soutiennent attendent qu’elle fasse mieux avant de mettre la main à la poche. En 2005, l’administration Bush a demandé 50 millions au Congrès au titre de l’aide à la force de l’UA. Ce dernier a refusé. En décembre dernier, l’Union européenne a accordé 70 millions d’euros et prévenu qu’elle ne déboursera plus rien, avant de se résoudre à décaisser une rallonge de 50 millions d’euros. À elle seule, la Grande-Bretagne dit avoir apporté, en février dernier, une contribution de 35 millions de dollars. Les États-Unis promettent de faire un effort, mais n’avancent aucun montant.
Cet afflux inespéré d’argent frais permet d’attendre l’arrivée des Nations unies.

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