Décès de l’imam Khomeiny
« L’esprit supérieur du chef des musulmans et des hommes libres à travers le monde, Son Excellence l’imam Khomeiny, est monté au ciel, et son cur, débordant d’amour pour Dieu et l’humanité opprimée, a cessé de battre. Mais des curs emplis d’amour pour lui battront toujours et le soleil de la direction de l’imam brillera sur l’univers et les hommes, plus lumineux que jamais… »
C’est par ces mots, écrits de la main de son fils, l’hodjatoleslam Ahmad Khomeiny, et lus sur Radio Téhéran dimanche 4 juin 1989 à 7 heures du matin que les Iraniens apprennent la mort de l’imam Ruhollah Moussavi Khomeiny, décédé sept heures plus tôt, à l’âge de 89 ans, dans un hôpital de Téhéran, après onze jours d’une lente agonie, après une opération chirurgicale de l’appareil digestif, le 23 mai.
Un peu plus tard dans la matinée, les chefs des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire publient un communiqué appelant les Iraniens à l’unité et à la vigilance. De leur côté, l’armée et les Gardiens de la Révolution annoncent, dans un communiqué commun, qu’ils restent en état d’alerte, prêts « à faire face aux menaces éventuelles des ennemis de l’intérieur et de l’extérieur ». Un deuil de quarante jours est décrété. Les magasins, administrations et écoles ferment leurs portes. Les mosquées arborent des banderoles noires. Vers midi, des groupes armés prennent position à tous les grands carrefours de Téhéran pour prévenir tout débordement, alors que des milliers d’Iraniens affluent dans le quartier Djamaran, au nord de la capitale, où résidait l’imam. Au même moment, le testament du Guide de la Révolution est lu devant les 270 membres du Parlement, convoqués en séance extraordinaire, en présence des hauts dignitaires politiques et religieux. Vers 21 heures, la télévision révèle le nom du nouveau Guide, élu par les deux tiers des 80 religieux membres de l’Assemblée des experts : l’hodjatoleslam Ali Khamenei, 50 ans, président de la République depuis 1981.
Organisées deux jours plus tard, les obsèques de l’imam ont failli s’achever en queue de poisson. Le cortège funèbre, suivi par des millions d’Iraniens au bord de l’hystérie, avait du mal à avancer en direction du cimetière de Behechte-Zahra, à 35 kilomètres au sud de Téhéran, sous un soleil de plomb. Il a fallu l’intervention de l’armée pour dégager la voie.
Le religieux ténébreux et charismatique, qui, au terme d’un long exil en Irak puis en France a su, par sa seule force de caractère, incarner l’opposition au chah et contribué à son renversement, avant de conquérir le pouvoir, en 1979, à l’âge de 78 ans, et de l’exercer sans partage jusqu’à sa mort, était adulé par des millions de ses compatriotes. Il était également haï par des millions d’autres, qui ont souffert de l’intolérance de son régime ou de la violence de ses milices. Quant au reste du monde, il a gardé de lui l’image d’un épouvantable dictateur doublé d’un tyran religieux aux murs médiévales.
Après sa mort, beaucoup ont craint que l’Iran n’entre « dans une période d’incertitude, de désordres et de luttes entre factions », selon les termes de Reza Pahlavi, le fils de l’ex-chah. Plus optimiste, Bani Sadr, ancien président, a estimé que sa disparition, comme celle de Franco en Espagne, marquerait le début « de la marche vers la démocratie » en Iran. En Israël, un porte-parole officiel a exprimé l’espoir d’une amélioration des relations entre Téhéran et Tel-Aviv. Il s’est aussi trouvé quelques analystes occidentaux pour prédire la fin du khomeinisme et le retour rapide de l’Iran dans le giron américain.
Il n’en fut rien. La transition s’est déroulée sans heurts. Le pays n’a ni éclaté ni entamé sa marche vers la démocratie. Les mollahs sont toujours aux commandes. Leur résistance idéologique à l’Occident n’a pas faibli. Elle s’est au contraire renforcée, alimentée par un fort sentiment nationaliste. Quant à l’amélioration des relations entre Téhéran et Tel-Aviv et au retour de l’Iran dans le giron américain, ils sont loin d’être à l’ordre du jour. Qui a dit que le khomeinisme ne survivrait pas à Khomeiny ?
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