Wassyla Tamzali : « La condition des femmes dans le monde musulman est une question de volonté politique »
Au-delà de l’égalité dans l’héritage, c’est toute la question des libertés individuelles et de la condition de la femme qui délient les langues en Tunisie. Un dialogue inédit, absent dans les autres pays du monde arabe. Wassyla Tamzali, ancienne directrice des droits des femmes à l’Unesco, en explique les raisons.
Droits des femmes : la Tunisie en avance ?
L’annonce du président tunisien Béji Caïd Essebsi d’un projet de loi sur l’égalité dans l’héritage, découlant du rapport Colibe, a eu l’effet d’un coup de tonnerre dans le monde arabo-musulman. La Tunisie est-elle vraiment en avance sur ses deux pays voisins ?
« L’État n’a pas de lien avec la religion ou encore avec le Coran. Nous œuvrons sur la base de la Constitution dont les dispositions sont impératives. L’État tunisien et un État civil et celui qui prétend que le référentiel de la Tunisie est un référentiel religieux a tort ! » Cet extrait du discours de Béji Caïd Essebsi, prononcé le 13 août, marquera sans doute l’histoire moderne de la Tunisie. Il est le premier homme d’État dans le monde musulman à prononcer cette affirmation de manière officielle. Dans ce discours, le président a également annoncé la présentation prochaine d’un projet de loi sur l’égalité successorale. Une première dans le monde arabe.
Wassyla Tamzali, avocate et ancienne directrice des droits des femmes à l’Unesco, née en Algérie, analyse pour Jeune Afrique les raisons de l’absence de telles réformes dans le reste du monde arabe et surtout chez le voisin algérien.
Jeune Afrique : Que pensez-vous du discours et de la proposition du président tunisien Béji Caïd Essebsi ?
Wassyla Tamzali : Son discours est une victoire historique, c’est la première fois qu’un chef d’État d’un pays à majorité musulmane dit clairement que l’État n’a rien à voir avec la religion. C’est une rupture aussi grande que celle de Habib Bourguiba quand il a promulgué le code du statut personnel (CSP). Essebsi a confirmé l’idée que ce conditionnement de la femme dans le monde arabo-musulman n’a rien à voir avec la religion ou encore la génétique. C’est avant tout une question de volonté politique.
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