Crime sans châtiment

Publié le 29 mai 2006 Lecture : 2 minutes.

Mengistu Haïlé Mariam, le « Négus rouge », et ses soixante-douze coaccusés, qui, de 1974 à 1991, imposèrent à l’Éthiopie l’une des plus cruelles dictatures que l’Afrique ait connue depuis les indépendances, n’ont pu être fixés sur leur sort, le 23 mai. Le verdict de leur procès devant la Haute Cour fédérale, à Addis-Abeba – ce « Nuremberg africain » – a finalement été reporté au 23 janvier 2007. « Nous avons reçu des accusés de nouveaux éléments qui nous ont conduits à reporter notre décision pour nous permettre de les examiner », a commenté à l’audience le juge Medhin Kiros.
Ouvert en décembre 1994, cet interminable procès a déjà été suspendu à plusieurs reprises. Il est vrai que l’absence du principal accusé ne facilite pas les choses. Outre Mengistu, vingt-cinq accusés sont en effet jugés par contumace. Le Négus rouge est le premier responsable de la mort ou de la disparition de 250 000 à 350 000 de ses compatriotes, du déplacement forcé de plusieurs centaines de milliers d’entre eux du nord vers le sud du pays, ainsi que de la famine qui a dévasté l’Éthiopie au début des années 1980. Le 21 mai 1991, il a pris la fuite pour se réfugier au Zimbabwe, où il bénéficie de la protection de Robert Mugabe, auquel le lie une « amitié communiste » qui remonte à la fin des années 1970. Il serait même devenu l’un des conseillers du « Comrade Bob ». Enfermé dans une sorte de bulle à l’abri des curieux – notamment des journalistes -, il est davantage protégé qu’un chef d’État.
Aucune tentative sérieuse pour obtenir de Mugabe son extradition n’a jamais n’a été faite. Alors que le président sénégalais Abdoulaye Wade, par exemple, subit actuellement de fortes pressions pour le contraindre à livrer l’ex-dictateur tchadien Hissein Habré, réfugié à Dakar depuis 1990. Ni l’ONU, ni son Commissariat aux droits de l’homme, ni son Comité contre la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants n’ont jamais levé le petit doigt pour sanctionner les atrocités commises par Mengistu. Très actives pour faire aboutir les poursuites engagées contre d’autres dictateurs (Habré, mais aussi Charles Taylor), les organisations de défense des droits de l’homme paraissent, à son propos, frappées d’amnésie. Et l’Union africaine, dont le siège est pourtant à Addis-Abeba, ne se montre guère plus pugnace. Pourquoi cette passivité collective, alors que la communauté internationale a fait de la lutte contre l’impunité l’une de priorités ? Quinze ans après, Mengistu n’a encore reconnu – et encore moins regretté – aucun de ses crimes

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