Comment l’Europe s’est barricadée

Publié le 29 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Le temps fraîchit dans toute l’Europe pour les immigrés. Partout, les frontières se ferment, les procédures deviennent plus contraignantes, la sélection des arrivants se généralise. Au mieux, il s’agit de ne plus attirer « la misère du monde » ; au pire, de réduire le nombre des résidents étrangers. Les gouvernements européens louvoient entre des opinions publiques de plus en plus tentées par la xénophobie et la nécessité de recourir à une main-d’uvre importée pour faire face à une démographie déclinante. Il est possible de classer les grands pays européens en fonction de leurs « réflexes » réglementaires face à l’immigration.
Les pays « libéraux ». Il est remarquable de constater que les deux pays qui sont les plus directement confrontés au phénomène de l’immigration sauvage sont aussi ceux qui maintiennent les dispositifs les moins durs. L’Italie et l’Espagne ont mis en place une politique de quotas par pays d’origine, par catégorie de main-d’uvre et par région de destination. Dans les deux cas, ce système s’est révélé inefficace pour endiguer le flot de clandestins qui traversent les détroits de Gibraltar et de Sicile sur des embarcations de fortune. Les deux pays ont accepté des régularisations massives de sans-papier : 643 000 en Espagne et 635 000 dans l’Italie de Silvio Berlusconi où les centres de rétention, les reconduites à la frontière dans les trois jours et les permis de séjour limités à deux ans n’ont pas servi à grand-chose.
Les pays « sur la réserve ». Le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui étaient relativement souples jusqu’à ce jour, mettent en place des politiques restrictives. Le premier a décidé d’instituer d’ici à 2008 un système de points comparables à celui du Canada afin d’admettre en priorité les immigrants qualifiés, ou ceux dont ont besoin les entreprises britanniques, et de décourager les autres. La connaissance de l’anglais sera déterminante pour l’attribution d’un permis de séjour. L’Allemagne, qui recherchait seulement une immigration qualifiée, la veut désormais intégrée : les uns après les autres, les Länder rendent obligatoires et payants pour les candidats à la naturalisation des cours d’instruction civique et un enseignement de l’allemand, le tout sanctionné par un examen. Les candidats « bien intégrés » obtiendront la nationalité allemande en six ans, au lieu de huit.
Les pays « fermés ». Paradoxalement, ce sont les pays traditionnellement classés libéraux, voire libertaires – le Danemark et les Pays-Bas – qui accumulent les obstacles sur la route de l’immigration. Le premier vérifie le niveau de connaissance du candidat à la naturalisation sur la société, la culture et l’histoire danoises. Il faut avoir 28 réponses correctes sur 40 pour être admis. Les candidats très qualifiés au permis de séjour – qui seront sélectionnés selon le système américain de la Green Card – devront signer une « déclaration d’intégration et de citoyenneté active dans la société danoise » où le signataire déclare savoir qu’il ne faut pas battre ses enfants, faire exciser sa fille ou la forcer au mariage.
Traumatisés par l’assassinat du cinéaste Theo Van Gogh par un islamiste, les Pays-Bas appliquent la politique d’immigration la plus dure d’Europe, sous la houlette de sa ministre de l’Immigration, Rita Verdonk, baptisée « Rita de fer ». Elle avait déjà durci le regroupement familial en ne l’autorisant qu’aux étrangers de plus de 21 ans munis d’un titre de séjour et gagnant au moins 30 % de plus que le salaire minimum. Voici qu’elle crée un examen pour les étrangers désireux de s’installer aux Pays-Bas. Cet examen doit être subi avant de quitter son pays d’origine ; il coûte 350 euros ; il porte sur les murs, l’histoire, la culture et la langue néerlandaises. Cette épreuve est clairement destinée à décourager les candidats venus du Maghreb et de la Turquie. Tout d’abord, Européens, Américains, Canadiens, Japonais et Néo-Zélandais en sont dispensés. Ensuite, il est obligatoire d’acheter pour 64 euros un livre et un film sur la vie aux Pays-Bas : on y voit notamment deux homosexuels s’embrasser à bouche que veux-tu et une naïade s’exhiber seins nus. Précisons que, lors d’une émission télévisée, les Néerlandais de souche qui se sont soumis à ce quiz officiel (Qui est Guillaume d’Orange ? Identifier Rembrandt en peinture, etc.) ont tous été recalés

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