Classique, trop classique

Publié le 29 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Peu avant l’annonce du palmarès, la grande majorité des films projetés au Palais des festivals laissait les spectateurs sur leur faim. Au vu de la sélection, on s’attendait plutôt à un cru 2006 déroutant ou, du moins, à découvrir des uvres aux sujets et aux styles originaux. Car, contrairement à l’année précédente, où les « grosses pointures » étaient légion – de Woody Allen à David Cronenberg, de Lars Von Trier à Wim Wenders ou à Atom Egoyan -, on trouvait cette fois, outre une poignée d’auteurs déjà consacrés, de nombreux nouveaux venus et des cinéastes dont l’uvre prend à peine son envol. Or rien ne s’est passé comme prévu
En 2005, à la surprise générale, on s’était retrouvé, devant l’immense écran de la salle Lumière, face à beaucoup de films inattendus, les valeurs sûres retenues par les sélectionneurs ayant souvent réalisé des longs-métrages d’un genre totalement inédit pour eux. Ainsi Woody Allen avec Match Point, sorte de polar dans la gentry britannique à mille lieues des chroniques new-yorkaises auxquelles il nous a habitués, ou David Cronenberg, abandonnant avec A History of Violence la dimension sulfureuse d’uvres qui, comme Crash, ont fait sa renommée.
Rien de tel cette année. Les quelques cinéastes de réputation mondiale présents sur la Croisette ont présenté des films plus qu’honorables, mais en tout point conformes à ce que l’on attend d’eux. Le très militant Ken Loach a célébré, comme à son habitude, dans The Wind That Shakes the Barley (« Le Vent se lève ») un combat « de gauche » pour la liberté, celui de paysans qui se battent avec la rage du désespoir contre les troupes d’élite britanniques venues mater, dans les années 1920, les velléités d’indépendance du peuple irlandais.
Pedro Almodovar a proposé, avec Volver (où Penelope Cruz tient le rôle principal), de suivre le destin de trois femmes de générations différentes semblables aux personnages qui font, depuis les années 1980, la gloire de l’auteur de Talons aiguilles ou de Tout sur ma mère. Quant à Nanni Moretti, son Caïman – titre qui se réfère au surnom de son antihéros, Silvio Berlusconi -, ne risquait guère de surprendre ceux qui aiment ses critiques tendres et caustiques de la société italienne. Le minimaliste finlandais Aki Kaurismäki, enfin, a livré un opus sur l’univers désespéré dans lequel il fait toujours évoluer ses héros dérisoires.
On ne pensait pas que les nouveaux venus dans la compétition ou les auteurs encore peu connus feraient preuve d’une telle absence d’originalité. Or on s’est trouvé, là encore, devant des uvres très classiques. Ceux qui avaient suscité une immense curiosité en raison de précédents longs-métrages inclassables ou décalés, comme Sofia Coppola, Lucas Belvaux ou Rachid Bouchareb, nous ont offert des longs-métrages certes intéressants, mais réalisés de façon très « standard » : qu’il s’agisse de Marie-Antoinette (une reconstitution historique qui s’assume comme telle), de La Raison du plus faible (un polar prolétarien) ou d’Indigènes (l’histoire tragique de quatre Maghrébins engagés dans l’armée française en 1943 pour aller libérer la « mère patrie » occupée par les nazis). Dans un style plus affirmé, les films du Mexicain Alejandro González Iñárritu (Babel), du Français Bruno Dumont (Flandres) ou du Turc Nuri Bilge Ceylan (Iklimler ou « Les Climats »), plutôt réussis, ressemblaient fort, d’un point de vue esthétique, aux uvres précédentes de ces cinéastes, qui leur valurent la reconnaissance du public (respectivement Amours chiennes, La Vie de Jésus et Uzak).
Ce constat, qui ne s’applique pas à la totalité des films projetés (Southland Tales, le film d’anticipation écolo-guerrier de l’Américain Richard Kelly, ou l’étrange Juventude Em Marcha, au rythme ultralent, du Portugais Pedro Costa, ne sauraient, eux, être qualifiés de classiques), ne doit pas inciter à croire que le Festival de Cannes 2006, dont nous présenterons un bilan détaillé la semaine prochaine, a été d’un mauvais niveau. Mais on peut déjà affirmer que, du moins dans la compétition pour la Palme d’or, cette année n’aura pas été comme on l’espérait celle des révélations.

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