Ce que la loi va changer

Publié le 29 mai 2006 Lecture : 4 minutes.

Passer d’une « immigration subie » à une « immigration choisie », encadrer plus strictement le regroupement familial en le subordonnant au respect de critères assez flous « d’intégration républicaine à la société française » et faciliter les reconduites à la frontière des étrangers dont la demande de carte de séjour aurait été refusée : c’est en substance la philosophie de la loi Sarkozy votée par l’Assemblée le 17 mai. Plus qu’un toilettage, c’est une véritable rupture, qui va précariser davantage les étrangers présents depuis longtemps sur le territoire français, et multiplier les obstacles à la délivrance de titres de séjour à ceux que l’administration considérera comme « inutiles ». Le texte sera examiné par le Sénat à partir du 6 juin, mais il y a peu de chances qu’il soit substantiellement modifié par la Haute Assemblée. En voici les principales dispositions.

Regroupement familial Le délai requis pour déposer une demande de regroupement familial et permettre à l’étranger régulièrement installé sur le sol français d’être rejoint par son conjoint et ses enfants passe de un an à dix-huit mois. Le regroupement familial est subordonné à des garanties de ressources ainsi qu’à une condition d’intégration libellée en des termes très flous : le demandeur « doit se conformer aux principes qui régissent la République française ». Quels sont ces principes, et comment l’autorité préfectorale va-t-elle en vérifier l’observance ? La loi ne le précise pas, d’où l’inquiétude légitime des associations, qui redoutent que cette appréciation ne se fasse « à la tête du client ». Mieux vaudra, en tout cas, se présenter aux services de l’immigration rasé de près, si l’on est musulman, pour éviter d’être confondu avec un dangereux islamiste

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Mariage et nationalité Avant d’obtenir un titre de séjour temporaire d’un an, les conjoints de Français devront obligatoirement passer par les consulats de France de leur pays d’origine, même si le mariage a été célébré dans l’Hexagone, pour y demander un visa long séjour. Une démarche qui engendrera des frais supplémentaires. Ce n’est qu’ensuite, une fois revenus en France, qu’ils pourront alors solliciter une carte de séjour temporaire. Les conjoints de Français devront attendre trois ans, au lieu de deux actuellement, avant de pouvoir demander une carte de long séjour (valable dix ans). Son attribution n’est plus automatique. En outre, l’administration peut désormais retirer la carte de résident à un conjoint de Français en cas de rupture de la vie commune dans les quatre années suivant le mariage. Les conjoints de Français ne pourront demander à acquérir la nationalité française qu’au bout de quatre ans de vie commune, contre deux ans actuellement, et au bout de cinq ans, au lieu de trois ans auparavant, si le couple réside à l’étranger.

Régularisation des sans-papiers La possibilité offerte aux clandestins justifiant de dix ans de résidence ininterrompue sur le territoire français (de quinze ans si, au cours de cette période, ils ont séjourné en tant qu’étudiants) d’obtenir de plein droit une carte de séjour temporaire disparaît. Cette possibilité de régularisation, supprimée une première fois par les lois Pasqua de 1993, avait été rétablie en 1997, après la très médiatique grève de la faim des sans-papiers dans les locaux de l’église Saint-Bernard. Cette énième modification législative risque de créer une nouvelle catégorie d’étrangers : irréguliers à perpétuité mais inexpulsables en raison de leurs attaches familiales en France. Belle avancée

L’immigration professionnelle Une carte « compétences et talents », valable trois ans et renouvelable, est créée. Elle a pour vocation de faciliter le séjour des étrangers susceptibles de participer au développement économique ou au rayonnement intellectuel, culturel ou sportif de la France. Les « immigrés choisis » obtenant ce précieux sésame pourront, de plein droit, faire venir leur famille. Une carte « travailleur saisonnier », valable trois ans, mais supposant une résidence habituelle hors de France pendant six mois de l’année au minimum – et donc l’interdiction de travailler pendant plus de six mois consécutifs – est créée. Elle généralise les dispositifs existants déjà avec la Pologne, la Tunisie et le Maroc.

Les étudiants étrangers C’est la seule avancée de la loi Sarkozy : son article 6 permet la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle, d’une durée maximale de quatre ans, à l’étudiant étranger dont la première carte de séjour temporaire arrive à échéance. Cette carte est accordée à l’étudiant admis à suivre une formation au moins équivalente au master dans un établissement habilité. Une simplification, applicable également aux scientifiques, vise à alléger les formalités administratives pour les étudiants et les chercheurs « dont la présence en France est prévue pour une durée prévisible. » Jusqu’à présent, ceux-ci étaient obligés de faire renouveler chaque année leur titre de séjour. Enfin, les diplômés étrangers pourront, à l’issue de leurs études, bénéficier d’une autorisation provisoire de séjour de six mois non renouvelable, mais convertible en carte salarié s’ils trouvent un emploi en adéquation avec leurs compétences. Ce dispositif, réservé aux titulaires d’un diplôme au moins équivalent au master, permettra en pratique de garder les plus qualifiés des étudiants, ceux issus, par exemple, des grandes écoles. Les seuls susceptibles de trouver du travail dans un délai aussi court

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Les reconduites à la frontière La loi crée une obligation de quitter le territoire français. Le refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour, ainsi que son retrait, sont actuellement assortis d’une invitation à quitter le territoire. Passé un mois, l’administration a la possibilité de prendre un arrêté de reconduite à la frontière. Le projet de loi prévoit qu’elle pourra désormais assortir sa décision de refus ou de retrait d’un titre de séjour d’une obligation de quitter le territoire qui, passé le délai d’un mois, devient contraignante, et la dispense d’une nouvelle décision. L’expulsion s’en trouvera donc théoriquement facilitée.

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