Sékou Touré, Siradiou et moi

Publié le 30 mars 2004 Lecture : 2 minutes.

Siradiou Diallo a été l’un de ceux qui m’ont appris à mieux comprendre et aimer la Guinée et les Guinéens.
En 1974, je menais, comme représentant du secrétaire général de l’ONU, une action pour la normalisation des relations entre l’Allemagne fédérale et la Guinée, et la libération de trois Allemands détenus au camp Boiro. Une seconde négociation débouchait le 14 juillet 1975 sur la normalisation entre Conakry et Paris et la libération d’une vingtaine de Français détenus depuis cinq ans.
J’étais évidemment à l’affût de tout ce qui pouvait influer sur ce processus, car je devais avoir avec Sékou Touré une relation confiante. Les opposants guinéens ne voulaient
pas d’une normalisation avec la France qui donnerait un sursis à Sékou, dont la chute
était selon eux inévitable et imminente….

Sékou était très irrité par les articles de Siradiou Diallo, le plus notoire opposant au régime, en raison notamment de la tribune que lui offrait Jeune Afrique. J’écrivis donc à Béchir Ben Yahmed, précisant ne pas vouloir peser sur la ligne du journal. Il me fixa rendez-vous avec lui et Siradiou ; je leur exposai ma démarche ; ils m’expliquèrent leur
position sur le régime guinéen. Peut-être jugèrent-ils mon optimisme un peu candide, mais
les écrits de Siradiou au cours de cette période, sans dissimuler son hostilité envers
Sékou Touré, furent rédigés d’une manière qui n’a jamais nui à l’action que je menais.
Je disais à Sékou : « La semaine prochaine, je vais à Paris, j’en profiterai pour rencontrer Siradiou Diallo. » Sékou me répondait : « Aucun problème ; vous êtes un ami, je vous fais confiance, vous pouvez voir qui vous voulez, même les anti-Guinéens » c’est ainsi qu’il appelait les opposants. Siradiou était incrédule : « Comment, Sékou ne voit pas d’inconvénients à nos entretiens ? Je ne peux pas le croire ! » Je n’osais lui dire que je préférais que Sékou soit informé de ces rencontres par moi-même plutôt que par
quelqu’un qui aurait pu se trouver dans l’entourage de Siradiou !

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En 1990, quand Jeune Afrique Livres publia la biographie que j’ai consacrée à Diallo Telli, Siradiou en écrivit la préface. Il avait été de ceux « qui manifestèrent quelque appréhension, pour ne pas dire une certaine réticence » : comment quelqu’un qui fut, « plus qu’un simple diplomate, un proche, sinon un ami de Sékou Touré, pourrait- il écrire un livre crédible » sur sa plus illustre victime ? Mais Siradiou a bien voulu reconnaître que j’avais présenté « avec bonheur », « grâce à des informations et des témoignages souvent inédits », « un Diallo Telli à la fois attachant et complexe ».
Je veux rendre grâce aux qualités professionnelles et humaines de Siradiou Diallo, qui a toujours eu le souci de me donner des informations d’un réel intérêt pour la réussite de ma mission et a su dépasser ses options personnelles pour rester toujours un formidable témoin et un acteur de premier plan dans l’histoire de l’Afrique et de son propre pays.

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