Le sorcier des couleurs

L’illustrateur franco-togolais William Wilson publie deux nouveaux contes pour petits et grands. Rencontre avec un artiste hors pair.

Publié le 29 mars 2004 Lecture : 4 minutes.

Dans l’atelier de William Wilson, les chaises vous sourient. Elles sont accrochées au mur et font partie d’une série de quatre-vingts « masques » que l’artiste a réalisés à partir de sièges au début des années 1990. Il y a aussi un long bureau en bois blond avec des tiroirs aux poignées multicolores et une bibliothèque très fournie. Il y a une belle table d’architecte encombrée de pots de peinture, un bureau miniature sur lequel un enfant a oublié un dessin. Il y a une lumière douce caressant les toiles qui ornent la
pièce. Et il y a William Wilson, grand et posé, qui préfère laisser parler ses uvres
plutôt que de les commenter. Qui marche à l’instinct et brouille les pistes : peintre,
dessinateur, illustrateur, styliste, paysagiste ? Il est un peu tout à la fois, ne se
refusant aucun plaisir, aucune découverte. À 52 ans, il a déjà vécu plusieurs vies.
De père togolais et de mère française, il fait l’apprentissage de la couleur alors qu’il est encore enfant. À Orléans (centre de la France), il est « le seul étranger » de son école primaire, mais ne laissera pas cette différence devenir un handicap. « Ma grand-mère était marchande de tissus à Cotonou et, quand j’étais petit, cette femme gigantesque et gironde, enroulée dans ses boubous colorés, m’impressionnait beaucoup. Lorsqu’elle venait en France, elle rapportait plein d’étoffes et d’objets, comme des portefeuilles en peau de serpent ou de crocodile. Je pense que c’est elle qui m’a donné le goût des couleurs. » Dans les années 1970, le jeune métis monte à la capitale pour étudier la philosophie et l’ethnologie. « Quand j’ai découvert les choses de Paris, les études m’ont
paru secondaires. J’ai rencontré la musique, les artistes C’était un milieu plus difficile, moins confortable mais aussi plus ouvert et plus intéressant que le milieu universitaire. » William Wilson est d’abord batteur dans un groupe de reggae, peintre à mi-temps, puis peintre uniquement. Dix ans passent avant qu’il fasse ses premières
expositions et que viennent la reconnaissance et le succès.
William Wilson a eu différentes périodes : d’abord la peinture et l’approfondissement de sa technique préférée, le pastel sur papier de couleur. Puis la création d’objets, avec tout ce qui lui tombe sous la main, qu’il ramasse, stocke et transforme. En ce moment, il nage dans les livres pour enfants. Certains sont de véritables bijoux, comme le Mandela, créé pour les éditions Mango Jeunesse. Un album original, mélange de photos et de découpages, qui révèle sa maîtrise de la mise en page. À chaque expérience nouvelle,
William Wilson se livre entièrement. « Dans tous les arts, il y a un côté obsessionnel, cela permet de ne penser à rien d’autre et c’est comme ça que l’on progresse », explique-t-il. Touche-à-tout sensible, il prône, en parfait autodidacte, l’apprentissage sur le tas. C’est sa démarche lorsqu’il crée les décors et les costumes d’une chorégraphie de Dominique Bagouet, à la fin des années 1980, ou qu’il collabore à des clips de musiciens (les Rita Mitsouko et Mory Kanté). Même chose en 1996, lorsqu’il réalise pour Vuitton des carrés de soie à partir de peintures inspirées de son voyage aux États-Unis.
Le fil conducteur de Wilson, c’est son style, « qui est venu tout seul », identifiable au premier coup d’il, nourri des nombreux voyages de l’artiste, possédant quelque chose de brut et d’enfantin à la fois. Dans certaines toiles, on trouve l’écho de l’art vaudou haïtien et un sens de la polychromie redoutable qui lui fait oser tous les mélanges.
William Wilson est un magicien des couleurs, un sorcier des formes. On pense à l’Afrique, bien sûr, mais il s’en défend. « Le métissage avec l’Afrique m’intéresse, mais un masque esquimau m’influence autant qu’un masque africain, parce qu’ils auront été faits dans le même esprit. Lorsque j’étais étudiant, je me suis immédiatement intéressé aux arts non européens, qu’ils soient africains ou asiatiques. Ce sont eux qui m’ont donné envie de peindre. Mon art n’est pas plus africain que celui de Français ayant vécu en Afrique. » William Wilson entretient avec le continent noir des rapports à la fois proches et lointains. Il n’a jamais vécu au Togo, pays qu’il découvre entre 18 ans et 22 ans, mais garde un il sur le pays de son père. Il se rend en Afrique tous les deux ou trois ans pour animer des ateliers de dessin au Togo, au Bénin, au Burkina ou au Sénégal, mais il a roulé sa bosse au Japon, aux États-Unis et à Maurice. Il s’apprête d’ailleurs à partir quatre mois dans la région de Madras, en Inde, pour apprendre la céramique. Ce voyage devrait lui permettre de concrétiser un projet qui lui tient à cur. Passionné par les jardins (il en a d’ailleurs créé deux en France) et le végétal, il souhaite « construire des jarres en céramique suffisamment grandes pour y mettre des arbres ». Lorsqu’on lui
demande s’il a déjà pratiqué l’art difficile et délicat de la céramique, la réponse est « non », bien sûr. Et le challenge fait déjà briller ses yeux noirs.

Bibliographie
Les Proverbes de l’éléphant, textes et illustrations de William Wilson, éditions Gallimard, 30 pages, 12 euros.
Nelson Mandela, textes de Nelson Mandela, mise en page et illustrations de William Wilson, éditions Mango, 48 pages, 15 euros.
Le Voyage en Arizona, textes d’Isabelle Jarry, édité par Louis Vuitton.
William Wilson de 1983 à 1993, textes d’Isabelle Jarry, préface de Jean Seisser, Comptoir général d’édition, 84 pages, 43 euros.
Les Proverbes du crocodile, textes et illustrations de William Wilson, éditions Gallimard, à paraître.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires