Lendemains de putsch
La récente tentative de coup d’État à Malabo – et l’expulsion de plusieurs centaines de ressortissants étrangers qui s’est ensuivie – suscite des réactions contrastées dans la sous-région.
De Libreville à Yaoundé et d’Abuja à Luanda, la tentative de putsch avortée à Malabo, le 6 mars, a focalisé dix jours durant l’attention de toute la sous-région… Preuve s’il en est de l’importance stratégique de l’île de Bioko, cette « éponge à pétrole »… Dans les jours qui ont suivi l’arrestation, à Malabo et à Harare, de quatre-vingt-cinq mercenaires (J.A.I. n° 2254), de multiples contacts ont eu lieu, à tous les niveaux, entre les pays de la sous-région. Sitôt informé des rumeurs de coup d’État, le Nigeria a été le premier à manifester son soutien au régime de Teodoro Obiang Nguema et a aussitôt dépêché un bâtiment de guerre au large de Bioko. Une manière d’assumer son rôle de « faiseur de paix », a expliqué Remi Oyo, la porte-parole du président Olusegun Obasanjo.
Moins démonstratif mais tout aussi présent, le Gabon s’est manifesté à plusieurs reprises. D’abord par la voix du président Omar Bongo Ondimba, qui s’est plusieurs fois entretenu au téléphone avec son homologue équatoguinéen, puis par l’envoi d’une délégation conduite par le vice-Premier ministre Emmanuel Ondo Methogo, accompagné de Paul Toungi et d’Idriss Ngari, les ministres des Finances et de l’Intérieur. Les trois hommes ont été reçus le 19 mars par Obiang Nguema. La démarche est d’autant plus importante que Libreville et Malabo s’opposent actuellement à propos de la souveraineté sur l’île de Mbanié.
Le gouvernement équatoguinéen a par ailleurs esquissé un geste d’apaisement en direction de son voisin camerounais. Parallèlement à la découverte du « complot », les forces de l’ordre ont en effet procédé à l’arrestation et à l’expulsion de plusieurs centaines d’immigrés camerounais, ghanéens, béninois et nigérians. On estime à environ 1 500 le nombre des Camerounais contraints de quitter Bioko depuis le 6 mars. Une semaine plus tard, une marche de protestation a eu lieu à Douala au cours de laquelle la foule a tenté de s’en prendre au consulat général de Guinée équatoriale. Et Yaoundé s’est résolu à rappeler son ambassadeur à Malabo, « pour consultation ».
Pour calmer le jeu, Obiang a demandé à Pastor Micha Ondo Bilé, son ministre des Affaires étrangères, de se rendre à Yaoundé, le 19 mars, pour communiquer au président Paul Biya certains détails sur la tentative de putsch. Une tentative susceptible de « déstabiliser non seulement la Guinée équatoriale, mais aussi toute la sous-région », a indiqué le chef de la diplomatie à l’issue de l’audience. Cette visite aura aussi permis de lever les ambiguïtés qui pesaient sur les relations entre les deux pays et de préparer la venue d’Obiang à Yaoundé, le 26 mars. Relayée par un quotidien sud-africain, une rumeur avait couru selon laquelle le Cameroun aurait hébergé sur son territoire un camp d’entraînement de mercenaires. Bien qu’officiellement démentie par les autorités, cette information fantaisiste avait sans doute suscité certaines appréhensions quant au sort des ressortissants camerounais arrêtés à Bioko.
En fait, les conséquences de la crise affecteront plus durablement les expulsés que les États dont ils sont originaires. Ce n’est certes pas la première fois que des étrangers venus chercher fortune en Guinée équatoriale sont victimes de rafles. Les Équatoguinéens, qui ont longtemps servi de main-d’oeuvre bon marché à Lagos, Douala ou Libreville, acceptent mal aujourd’hui que Nigérians, Camerounais et Gabonais cherchent à profiter de la manne pétrolière, alors qu’eux-mêmes attendent toujours que celle-ci se traduise par une amélioration sensible de leurs conditions de vie. Les Nigérians (près de 20 000 ressortissants) et les Camerounais (environ 15 000) constituent les communautés étrangères les plus nombreuses, mais, depuis quelques années, Maliens, Sénégalais, Béninois et Ghanéens affluent également vers Bioko.
Au Bénin, le ministre des Affaires étrangères a suivi de très près l’évolution de la situation de ses compatriotes en Guinée équatoriale et regretté publiquement que les opérations de contrôle des cartes de séjour aient « provoqué la panique et la désolation dans les différentes communautés étrangères installées dans ce pays ». Ce qui, en termes diplomatiques, équivaut à une condamnation.
Reste à espérer qu’au-delà de ses effets collatéraux immédiats, la crise incitera le régime équatoguinéen à s’ouvrir davantage. Et à dialoguer avec ses voisins du golfe de Guinée.
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