L’Argentine envahit les Malouines

Publié le 29 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Pour prendre possession d’un minuscule archipel battu par les vents de l’Atlantique Sud, 5 000 militaires argentins débarquent près de Port Stanley, la « capitale » des îles Falklands (Islas Malvinas, en espagnol), le 2 avril 1982, à 4 h 30 du matin. Cinq heures plus tard, après une résistance réelle, mais qui ne pouvait être que symbolique, les 79 Royal Marines de Sa Majesté reçoivent l’ordre de se rendre. Ce qu’elle réclame depuis 1833, l’Argentine vient de le décréter fièrement : « Las Malvinas son argentinas ! » Déjà, à Buenos Aires, la foule acclame ses héros.
Pourtant, l’une des guerres les plus surprenantes de l’Histoire vient de commencer. Car qui aurait pu imaginer que pour conserver ce confetti d’empire situé à plus de 14 000 kilomètres de ses côtes, le Royaume-Uni mobiliserait les deux tiers de sa flotte, dépêcherait sur place ses troupes d’élite et s’engagerait aussi résolument dans un conflit armé ? À vrai dire, pas grand monde.
En tout cas, pas le général Leopoldo Galtieri.

Confronté à une situation économique désastreuse et à une opposition qui ne craint plus de se mobiliser ouvertement contre la dictature, le nouveau chef de la junte militaire n’a conçu ce coup de force audacieux que pour faire diversion. Et susciter un élan nationaliste dont devrait bénéficier son régime aux abois. Un scénario quelque peu optimiste, qui supposait que la lointaine Albion ne chercherait qu’à sauver l’honneur en proposant une solution négociée. Mais c’était sans compter avec le caractère bien trempé du Premier ministre britannique Margaret Thatcher, qui doit faire face, elle aussi, à une situation intérieure pour le moins dégradée. Dans un pays qui recense désormais plus de trois millions de chômeurs, où les journaux télévisés n’annoncent que grèves, manifestations, conflits sociaux et fermetures d’usines, la Dame de fer ne peut entériner la perte des Falklands sous peine de perdre elle-même la face, et les élections. Elle fera donc preuve d’un nationalisme au moins égal à celui de ses adversaires. Bref, les raisons intérieures ne manquent pas, de part et d’autre, pour faire de ces pâturages à moutons (l’archipel en compte 150 000 pour 1 800 habitants) une grande cause nationale. Une situation que le grand écrivain argentin Jorge Luis Borges résume à sa façon : « Deux chauves qui se battent pour un peigne. »

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Le jour même, Londres rompt ses relations avec Buenos Aires, met la Royal Navy sur le pied de guerre et demande le vote à l’ONU d’une résolution condamnant l’invasion. Le lendemain, c’est chose faite. Quelques jours plus tard, le Royaume-Uni obtient de la Communauté européenne et des États-Unis un embargo total sur les équipements militaires à destination de l’Argentine. Fin avril, la machine militaire britannique est sur place. Le 1er mai, elle engage les opérations contre les positions argentines et, le 15 juin, c’est l’assaut final. « La Grande-Bretagne est à nouveau grande », peut alors proclamer Margaret Thatcher après la reddition de la garnison de Port Stanley. Cette guerre inégale aura causé la mort de 700 soldats argentins et 293 britanniques, et fait plus de 2 000 blessés. Sans parler de son coût qui s’élèverait à près de 2 milliards de dollars.
Définitivement discréditée, la junte militaire remettra le pouvoir, six mois plus tard, à un président civil élu, Raúl Alfonsín, mettant ainsi fin à sept années de dictature sanguinaire. En Grande-Bretagne, la popularité de la Dame de fer atteint son zénith. Elle en profite pour dissoudre le Parlement un an plus tard et remporter une majorité des sièges.
Pour le reste, si la guerre a restauré la souveraineté britannique sur l’archipel, elle n’a pas mis fin à la revendication des Argentins, qui n’ont pas renoncé à obtenir par la négociation ce que les armes n’ont pu conquérir. Mais on peut douter, depuis que de riches gisements pétroliers ont été découverts dans ce vaste plateau continental, que la Fière Albion y consente un jour.

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