« Sédition », « haine », « rébellion » : pourquoi France 2 a été suspendue au Gabon
Coupable, selon la Haute autorité de la communication, d’avoir rediffusé un document sur le Gabon d’Ali Bongo Ondimba le 16 août, la chaîne France 2 a été suspendue pour un an. Jeune Afrique revient sur une décision polémique.
C’est un coup d’éclat dans la sphère médiatique africaine : mercredi 22 août, la Haute autorité de la communication (HAC) du Gabon a décidé de suspendre pour douze mois les programmes de la chaîne publique française France 2. Elle lui reproche d’avoir rediffusé, à la veille du 17 août [fête de l’indépendance], un documentaire sur le Gabon jugé « subversif ».
La HAC, dirigée par Raphaël Ntoutoume Nkoghe, un ancien directeur de la communication d’Ali Bongo Ondimba (ABO), a jugé que la rediffusion était « répréhensible » et qu’elle portait « atteinte aux institutions de la République, à la dignité d’autrui » et était « de nature à troubler l’ordre public ». France 2 aurait en effet violé les dispositions de l’article 87 de la loi 019/2006, du 9 août 2016, portant code de la communication en République gabonaise.
« Incitation à la sédition »
Cet article, dans sa première version – parue au journal officiel le 22 septembre 2016 – stipulait que « les informations publiées par les organes de presse écrite doivent : respecter la dignité d’autrui, promouvoir l’unité nationale, sauvegarder l’ordre public, sauvegarder la santé et la moralité publiques, promouvoir l’identité multidimensionnelle de la culture nationale, préserver la sensibilité des enfants et des adolescents ».
Il a toutefois été modifié en 2017 par la Cour constitutionnelle, son application s’étendant désormais à la presse non écrite. Dans sa décision, la HAC explique que le documentaire de France 2 « constitue de manière non-équivoque une incitation à la sédition, à la haine, une invitation à l’incivisme et à la rébellion » (voir ci-dessous).
« Signal inquiétant »
C’est un « signal inquiétant », a réagi, le 23 août, Reporters sans frontières (RSF) dans un communiqué, estimant qu’« en suspendant des médias qui enquêtent sur des sujets d’intérêt général, (la Haute autorité gabonaise de la communication, HAC) se pose en défenseur des intérêts du régime au lieu de défendre la liberté de la presse garantie par la Constitution ».
Ce documentaire, intitulé « Le clan Bongo, une histoire française », avait créé la polémique en juillet 2017, lors de sa première diffusion. Le tournage avait pourtant été avalisé par la présidence gabonaise elle-même. Afin de redorer l’image d’un Ali Bongo Ondimba fragilisé, après sa réélection contestée en2016, celle-ci avait donné aux journalistes un accès privilégié au chef de l’État.
Le palais présidentiel avait toutefois regretté cette décision. Quelques semaines après la diffusion du documentaire, la présidence avait d’ailleurs repris en main sa communication, notamment en nommant un nouveau porte-parole, Ike Ngouoni.
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