[Tribune] Bière, sorcellerie et élections au Cameroun

Il y a quelques semaines, le Cameroun a accueilli la visite de son altesse éminentissime, Frá Giacomo Dalla Torre del Tempio di Sanguinetto, grand maître de l’ordre de Malte. L’événement a fait jaser. La faute sûrement au caractère supposé ésotérique de l’ordre et à l’étrange consonance de son nom – associé au sang –, mais aussi à la proximité de la présidentielle.

Une moto de livreur de bières, au Cameroun (Illustration). © Creative Commons / Flickr / Mimbo benskin

Une moto de livreur de bières, au Cameroun (Illustration). © Creative Commons / Flickr / Mimbo benskin

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  • Florian Ngimbis

    Florian Ngimbis est un écrivain, chroniqueur et blogueur camerounais.

Publié le 28 août 2018 Lecture : 2 minutes.

Chez nous, la sorcellerie n’est jamais loin, notamment lors des élections. En fait, elle explique tout, est responsable de tout… Tenez, il y a quelques années, mon quartier s’éveille au son d’une nouvelle incroyable : un avion de nuit, forme avancée de technologie vampirique, y aurait atterri.

Sur les lieux, un quinquagénaire en slip est molesté par un troupeau d’oisifs, inquisiteurs de circonstance. Idée de base : transformer le vampire voleur d’âmes en méchoui pour se venger des mauvais sorts qui entretiennent les astronomiques chiffres du chômage.

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Tiges de macabo

J’interviens. On me fait remarquer que personne ne le reconnaît. Les bigotes armées de crucifix me lancent : « Mon fils, faut pas blaguer avec ces choses-là, hein ? Ça existe ! » Impasse. Je propose en rigolant de fouetter le présumé coupable avec des tiges de macabo, un remède miracle supposé agir contre les sorciers.

Contre toute attente, voilà notre pilote fouetté par une foule hystérique. La sève du macabo est urticante, il se contorsionne. Ahan ! ça le brûle ! Woyooo ! la sorcellerie en plein jour ! Je m’énerve. « Appelez la police ! » Ricanements. Finalement, le type réussit à s’esquiver, « à se dématérialiser », selon la version de l’Inquisition.

>>> À LIRE – Sorcellerie et autres mystères

Quelques jours plus tard, sur qui je tombe dans un bar de Yaoundé ? Le « sorcier ». Mon cartésianisme me dit bof ! Mon atavisme et ses yeux rouges me supplient de fuir. Trop tard ! Il me fait signe de m’asseoir. Malaise. « Serveuse, une bière ! » Il me regarde, je bois. Je le regarde, je bois. Il vaut mieux arriver soûl de l’autre côté.

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« Merci de m’avoir sauvé fiston. Les yeux que tu as vus rouges, là, c’est l’effet de la bière. Après une soirée arrosée, je me suis retrouvé dans le lit d’une jeune et récente veuve que je fréquente incognito. Son beau-frère a frappé à sa porte à l’aube. J’ai sauté par la fenêtre en oubliant mes habits. Tu connais la suite. Sans ton idée de tiges de macabo, ce sont des gourdins qui auraient eu raison de moi. » J’ai épongé la sueur qui perlait à mon front et rappelé la serveuse.

J’ignore quel rituel électif venait célébrer le grand maître, mais si sorcellerie il y a dans les urnes lors de la présidentielle, j’espère au moins que les Camerounais sauront la reconnaître.

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