Désaccords dans le texte
Un projet de réforme de la Constitution suscite d’âpres controverses et menace le fragile équilibre de la Coalition arc-en-ciel au pouvoir.
Le projet de réforme de la Constitution kényane rendu public le 25 mars 2004 a immédiatement suscité une violente controverse. Et de gros remous au sein de la Coalition arc-en-ciel (Narc), au pouvoir depuis décembre 2002. Rien de surprenant : après trois séries de rencontres, les six cents délégués de la commission ad hoc ont tranché en faveur d’une formule de partage du pouvoir entre le président et un Premier ministre, chef de la majorité parlementaire et véritable tête de l’exécutif. Cette proposition ne satisfait pas Mwai Kibaki, le chef de l’État, qui souhaiterait conserver au régime sa nature présidentielle. En revanche, elle fait le jeu de Raila Odinga, le ministre des Routes et des Travaux publics, qui s’est d’ailleurs réjoui, le 22 mars, de cette « victoire » des Kényans, censée mettre fin à « quarante ans de tyrannie ». Sans évidemment préciser que l’instauration d’un régime parlementaire serait pour lui le plus sûr moyen d’accéder un jour à la magistrature suprême…
Entre les membres du gouvernement – à l’exception d’Odinga et de ses proches – et la majorité des membres de la Commission de réforme, tous les coups sont permis. Pour abréger les débats et, surtout, les orienter en sa faveur, Kibaki a mis sur pied le « comité Sulumeti », du nom de l’évêque de Kakagema qui le dirigeait, pour proposer un régime de type présidentiel et repousser à 2012 la réforme de l’exécutif. Les délégués, rejoints par Odinga, le ministre rebelle, ne s’y sont pas trompés et ont opposé une fin de non-recevoir à la « solution de consensus » de Sulumeti. Réaction du gouvernement : faire voter une loi offrant aux Kényans la possibilité de se prononcer par référendum sur l’adoption d’une nouvelle Constitution.
La crise est d’une telle gravité qu’elle pourrait faire échouer le processus de réforme constitutionnelle, dont on espérait qu’il aboutirait en juin 2004. Accessoirement, elle démontre que, en dépit de ses dénégations, Raila Odinga n’a pas renoncé à se faire une place au plus haut sommet de l’État. Ce d’autant que la santé de Kibaki n’est pas des meilleures…
En fait, le ver était dans le fruit dès la création de la Narc. Machine électorale mise en place dans le seul but de vaincre la Kanu (Kenya African National Union), au pouvoir depuis quarante ans, celle-ci est une entité largement artificielle. L’équilibre entre les différentes tendances qui la composent à toujours été fragile. L’accord électoral originel (le « Memorandum of Understanding ») s’est effiloché au fil du temps, au point qu’il n’en reste plus grand-chose. Pour simplifier, la coalition se décompose en deux courants : l’opposition historique représentée par Mwai Kibaki (Democratic Party, Ford-Kenya, etc.), et les déçus de la Kanu conduits par Odinga (Liberal Democratic Party). Si l’impatient ministre des Routes n’a pas encore perdu son portefeuille, la Coalition arc-en-ciel est, cette fois, bel et bien en voie d’éclatement. Et les tractations de couloir vont bon train.
Reste que, pour les wananchi (citoyens), la crise actuelle met en évidence les échecs du gouvernement (chômage, insécurité, petite corruption) et oblitère ses réussites : instauration de l’école primaire gratuite et obligatoire, lutte contre la grande corruption et reprise de l’aide internationale.
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