Avec les compliments de Tony Blair

Publié le 29 mars 2004 Lecture : 2 minutes.

Dans le quotidien britannique The Independent, Robert Fisk s’interroge sur l’étrange idée qu’a eue son Premier ministre Tony Blair d’aller rendre visite à Kadhafi. Qu’après avoir embarqué son pays dans la guerre en Irak par un cocktail de mensonges et de distorsions des faits Blair éprouve le besoin de faire quelque chose pour justifier la catastrophique occupation de l’Irak, soit. Mais pourquoi avoir choisi le plus extravagant et le plus sanglant des dictateurs arabes ? Un personnage qui « a fait sauter deux avions de ligne – un français, un américain -, qui a fourni des armes à l’IRA, envahi le Tchad, assassiné des adversaires politiques en Libye même et à l’étranger, et qui s’est lui-même fait bombarder par les États-Unis et par l’Égypte ».
À quelles facéties Blair peut-il s’attendre ? « Je me rappelle, écrit Fisk, un sommet
arabe au Caire où Kadhafi est arrivé en djellaba brodée d’or, entouré de sa garde féminine l’arme au poing, et où il a fait mine de se tromper en se dirigeant vers la porte des toilettes comme si c’était celle de la salle de conférences. Ah ! le sourire pincé de Moubarak Au moins Blair ne se retrouvera pas dans la situation qu’a connue Tito le jour où le Guide a atterri à Belgrade pour un sommet des pays non alignés dans un avion
où il avait amené avec lui une chamelle pour avoir son lait frais et un cheval blanc pour se rendre au sommet ! »
Mais quelle est la logique de prouver qu’on a eu raison de faire la guerre à l’Irak en
soutenant que c’est le sort réservé à Saddam Hussein qui a fait réfléchir Kadhafi et l’a persuadé de renoncer à ses armes nucléaires ? « D’abord, remarque Fisk, notre Premier ministre envoie nos soldats en Irak parce que Saddam a des armes de destruction massive
qui n’existent plus. Et le voilà maintenant qui rend une visite de politesse à Kadhafi parce que la Libye, elle, aurait vraiment eu des armes de destruction massive »
En a-t-elle vraiment eu ? Comment se fait-il que les services de renseignements
américains, qui ont été capables de repérer en Irak des laboratoires de fabrication
d’armes chimiques ambulants, montés sur camions, qui n’existaient pas, n’ont pas été capables de repérer les radiations du programme nucléaire libyen ? La Libye a environ
6 millions d’habitants. Imagine-t-on que l’Irlande, par exemple, puisse avoir un programme nucléaire sans que personne ne s’en aperçoive ?

Mais supposons que Kadhafi ait bien eu des armes nucléaires. Qui parlait, fin 2003, d’envahir la Libye ? Les seuls pays auxquels Washington a fait la guerre des mots ont été la Syrie et le Liban. Si la Libye avait vraiment des armes nucléaires, elle était à l’abri
d’une attaque, comme la Corée du Nord
Supposons encore que Blair et Kadhafi se trouvent à court de sujets de conversation. Ils pourront discuter de ce livre blanc américain de 1991 qui évoquait l’attaque d’un croiseur grec par un commando basé en Libye, le piratage du yacht Silco et l’incarcération de ses huit hommes d’équipage dans les geôles libyennes, où ils sont restés huit ans.
Avec un tel ordre du jour, le Premier ministre britannique et le Guide libyen n’auront sûrement pas le temps d’évoquer le sort de ces étudiants pendus en public en 1979 sur la grand-place de Benghazi, ni la « disparition » du défenseur des droits de l’homme libyen Mansour Kikhia, qui en 1993, au Caire, avait dénoncé l’exécution d’opposants à Kadhafi.

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