Assistance délocalisée

Les entreprises françaises investissent surtout au Maroc et en Tunisie.

Publié le 29 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Wanadoo le cache soigneusement : quand les clients français de ce fournisseur d’accès Internet appellent leur centre d’aide technique, la personne au bout du fil ne se trouve pas toujours dans un bureau de l’Hexagone. Une fois sur quatre, elle leur parle de Tunis. C’est une jeune fille ou un jeune homme du pays, diplômé bac + 2 ou bac + 4, parfois même un ingénieur en informatique, parlant un français quasiment sans accent. Mieux encore, si le client est bavard (cela arrive, même à 34 centimes d’euros la minute de connexion téléphonique), il trouvera un interlocuteur informé. Pour les opérateurs tunisois, le dernier match Olympique de Marseille/Paris-Saint-Germain, les émissions de TF1 de la veille ou les chansons de Carla Bruni n’ont pas plus de secrets que les ultimes raffinements de l’ADSL. Tout est fait pour entretenir l’impression de proximité avec le client hexagonal. Filiale de France Télécom comptant 9 millions d’abonnés, Wanadoo n’est pas la seule entreprise française à recourir à ce type de services sur le continent africain. D’autres sociétés de technologie, comme le câblo-opérateur Noos, et les grandes sociétés françaises de distribution comme la Fnac et La Redoute ou Quelle (Allemagne), font de même.
Le phénomène est d’ailleurs planétaire. Au Royaume-Uni et en Amérique du Nord, les grandes entreprises recourent fréquemment à des centres d’appels indiens, pakistanais ou sri lankais, disposant d’un personnel parfaitement anglophone. Environ 10 % à 12 % des emplois des centres anglo-saxons seraient ainsi délocalisés. La raison est simple : les coûts salariaux sont bien moindres dans les pays du Sud. À compétences égales, le salarié de centre d’appels revient trois fois moins cher au Maghreb qu’en Europe. « Une opératrice marocaine bien formée coûte à son employeur 500 euros par mois, toutes charges comprises ; elle gagnera environ 350 euros nets par mois », indique Abdellah Nasreddine, président de Nortis Maroc, un fournisseur de solutions techniques pour les centres d’appels. Un ingénieur marocain débutant, de son côté, sera payé de 500 euros à 1 000 euros nets par mois, selon les entreprises. Quant à l’opérateur français payé au salaire minimum, il empoche 1 000 euros nets par mois, mais coûte à son patron environ 1 700 euros, compte tenu des importantes charges sociales.
Les centres « offshore » (outre-mer) emploieraient près de 10 000 personnes pour le compte d’entreprises françaises. C’est encore peu par rapport aux 200 000 emplois générés en France par les activités de télémarketing, mais la tendance à la délocalisation est croissante, notamment pour les tâches à faible valeur ajoutée. Le Maroc se taille la part du lion, avec environ 8 000 emplois, dans une quarantaine de centres d’appels délocalisés à Tanger, Casablanca, Rabat et Mohammedia. Ce chiffre pourrait être multiplié par deux ou trois d’ici à 2007.
Patronne de choc de Multilignes, la Française Sophie de Menthon a complètement délocalisé son centre d’appels de 400 salariés. Après un essai infructueux au Maroc, elle a choisi la Tunisie. Elle y a trouvé une main-d’oeuvre féminine compétente et parlant sans accent, contrairement aux hommes tunisiens qui accentueraient leur prononciation locale, « sans doute par machisme ». Les employeurs français sont en effet exigeants : correction, bonne présentation, courtoisie, accent « neutre », excellente élocution et orthographe correcte (pour adresser des courriels) sont de rigueur. De plus en plus souvent, des compétences techniques sont en outre exigées. La compagnie parisienne des Taxis bleus a ainsi rapatrié en moins de trois mois son centre d’appels de Casablanca. Les opérateurs mélangeaient l’avenue de Versailles à Paris et l’avenue de Paris à Versailles. Ce qui déplaisait énormément aux clients, qui ne voyaient pas venir le taxi commandé…
Malgré tout, les centres du Maghreb restent favorisés par leur proximité géographique avec la France. « Les donneurs d’ordres font de fréquents déplacements pour contrôler la qualité des services fournis », souligne le Marocain Abdellah Nasreddine. Mais d’autres destinations attirent également les call centers, comme la Roumanie, le Sénégal et l’île Maurice, qui, bien que plus éloignés, proposent des conditions économiques très attrayantes avec des faibles coûts de main-d’oeuvre.

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