Gabon : l’Italien Guido Santullo, ex-roi du BTP en conflit avec l’État, est décédé
L’homme d’affaires italien Guido Santullo est décédé dans l’après-midi du 27 août à Gaeta, en Italie. À 82 ans, le patron du groupe Sericom était en conflit devant les tribunaux avec l’État gabonais, à qui il réclamait plusieurs centaines de millions d’euros d’impayés.
« Il est décédé. C’était un homme entier, doté d’un amour vrai pour l’Afrique et les Africains ». C’est en ces mots qu’un des proches de Guido Santullo a confirmé, ce 28 août, le décès de l’homme d’affaires, intervenu la veille, le 27 août, en Italie. L’Italien, visiblement affecté par des problèmes cardiaques et fatigué depuis plusieurs années, s’est éteint dans un établissement hospitalier de sa ville natale de Gaeta, dans la province de Latina, où il séjournait.
Son décès résonne toutefois bien au-delà des terres transalpines des environs de Naples. Sur les rives de l’Ogooué et dans l’estuaire de Libreville, l’annonce fera sans aucun doute la une des journaux. Longtemps roi du BTP au Gabon, Guido Santullo, qui a également travaillé au Mali, au Sénégal, au Cameroun ou en Guinée (où il était un intime de Lansana Conté), y avait remporté de juteux marchés publics, notamment pour la construction d’infrastructures routières.
Escalade judiciaire
C’est en 2010, dans une suite de l’hôtel George V, à Paris, que l’Italien, en délicatesse en Guinée depuis le coup d’État de Moussa Dadis Camara, croise pour la première fois la route d’Ali Bongo Ondimba, dont il a connu le père et prédécesseur Omar Bongo Ondimba. Maixent Accrombessi, alors directeur de cabinet du président gabonais, l’invite au Gabon. Santullo y rencontre notamment Magloire Ngambia, ministre des Infrastructures.
Le début d’une « belle » histoire : de 2010 à 2016, Sericom, son entreprise, construit à tout-va : routes, ponts, bâtiments publics. Près de 700 milliards de francs CFA de marchés publics seront obtenus par l’entrepreneur, pour la plupart de gré à gré. Selon Santullo, la plupart des chantiers sont alors préfinancés par l’entreprise, ce que contestera, en partie, Libreville.
L’affaire se gâte : dès 2015, Guido Santullo accuse l’État gabonais de ne pas avoir payé tout ou partie des chantiers menés à bien par son entreprise. Depuis, c’est l’escalade judiciaire. En Suisse, en France et au Gabon, l’affaire Guido Santullo occupe les tribunaux. L’homme d’affaires italien réclame à l’État gabonais un montant qui s’élèverait, selon une indiscrétion d’un proche du dossier, à plus d’un demi-milliard d’euros, en comptant les pénalités de retard.
L’affaire devrait se poursuivre
Face à l’Italien et à Sericom, Libreville refuse de payer cette somme, arguant que des contrats, notamment supervisés par Magloire Ngambia, auraient été surfacturés et acquis en dehors du respect du code des marchés publics. Ce fameux « gré à gré ». « Ce n’est pas de notre faute s’ils ont attribué autant de marchés de gré à gré. C’est à l’État de lancer les appels d’offres, pas à nous ! », avait répondu Guido Santullo, dans des confidences accordées à Jeune Afrique en mai 2017.
Le 7 février 2018, le Gabon avait encore déposé à Genève une plainte contre l’Italien pour « corruption active » et « blanchiment d’argent ». Un juge suisse avait d’ailleurs auditionné les deux parties le 29 juin 2018, ajoutant un épisode à cette affaire d’État. Le décès de l’homme d’affaires mettra-t-il fin au feuilleton ? Rien n’est moins sûr.
« L’entreprise a également engagé des procédures », glisse un intime, qui ne doute guère que les ayants-droits de l’Italien choisiront de poursuivre le combat de leur proche disparu. Un combat que Magloire Ngambia, en détention à Libreville et qui attend l’ouverture de son procès devant la Cour criminelle spéciale, suivra également avec attention. L’ombre de Guido Santullo n’a pas fini de planer sur Libreville.
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