Wana contre Goliath

Dernière-née des sociétés chérifiennes de télécoms, l’ex-Maroc Connect entend faire trembler sur ses bases l’opérateur historique.

Publié le 29 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

A l’heure où il commercialise ses premières offres – le 29 janvier -, le dernier-né des opérateurs de télécommunications marocains est loin de passer inaperçu dans les rues de Casablanca. Sur la route de l’aéroport Mohammed-V comme dans le centre de la capitale économique du royaume, des dizaines de petites éoliennes bleu et vert – le nouveau logo de l’entreprise – ont fleuri sur les lampadaires et les panneaux publicitaires. Certaines d’entre elles, en trois dimensions, tournent sur elles-mêmes dans le sens des aiguilles d’une montre. Une opération publicitaire d’envergure qui en dit long sur les ambitions de Maroc Connect, fraîchement rebaptisé Wana (« Et moi », en arabe), le 3 janvier.
De fait, Wana entend se tailler une part conséquente du gâteau du marché chérifien des télécoms qui s’élève à 5 milliards de dirhams (DH), soit 450 millions d’euros. « Nous visons un chiffre d’affaires de 1 milliard de DH et 15 % à 20 % de parts de marché sur le créneau des entreprises à l’horizon 2016 », lançait, le 16 janvier, Mounir Qalam, vice-président Entreprises et Wholesale de la société. À cet effet, Wana n’a pas lésiné sur les moyens pour s’implanter dans la filière : elle a dépensé plus de 305 millions de DH en juillet dernier pour arracher la troisième licence de téléphonie du pays et investi, au total, 6 milliards de dirhams en trois ans. Le nouvel opérateur aura cependant fort à faire face à Maroc Télécom, qui détient pas moins de 95 % du marché marocain de la téléphonie fixe, 90 % du marché data et 60 % du marché mobile !
Adossée à l’ONA, premier groupe privé du royaume, et à la Société nationale d’investissement (SNI), qui détiennent respectivement 51 % et 49 % de son capital, Wana a d’incontestables atouts à faire valoir. Grâce à ses actionnaires, l’entreprise dispose d’une solide assise financière et d’une importante force de frappe commerciale pour contrer la puissance de l’opérateur historique. Un partenariat signé en 2004 avec l’Office national de l’électricité (ONE) va par ailleurs lui permettre d’exploiter 4 700 km de fibres optiques dès la fin de 2007, via les câbles électriques de l’ONE. Épine dorsale de ses infrastructures, ce réseau va permettre à Wana de réaliser d’importantes économies d’implantation. Haut débit, baisse des prix de 20 % à 25 % à court terme, adaptation et réactivité aux besoins du client, interlocuteur et contrat unique, service garanti sous peine d’indemnité : Wana mise sur une technologie de pointe et un accompagnement personnalisé de qualité pour asseoir sa crédibilité.
Mais la société, qui affirme avoir à l’heure actuelle 3 000 clients, compte aussi – surtout ? – s’appuyer sur son cur de métier pour réussir. « Nous voulons devenir le premier opérateur alternatif sur le marché de l’entreprise, affirmait Mounir Qalam lors de la présentation de l’offre Wana Entreprise, le 16 janvier. Il y a une forte attente pour la mise en place d’un service data de qualité au Maroc. Or, dès sa création en 1999, Maroc Connect s’est tourné vers ce créneau. »
Wana entend, en particulier, surfer sur le plan Offshoring Maroc 2010 lancé par le gouvernement en juillet dernier, qui vise à amplifier l’installation dans le royaume des activités de traitement de données des entreprises francophones et hispanophones (voir J.A. n° 2396). Des accords ont d’ailleurs été passés avec les opérateurs européens British Telecom, Colt et Orange dans cette perspective. « À terme, l’offshoring pourrait représenter entre 20 % et 30 % de l’activité Entreprise de Wana », confie Qalam, qui ajoute : « Nous sommes en train de finaliser un partenariat avec la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), qui gère le site de Casashore. » Wana ne s’arrêtera pas en si bon chemin. La société compte aussi sur le lancement de son offre de téléphonie (fixe et mobile) pour les entreprises au deuxième trimestre 2007 et sur une offre Internet grand public dans les prochaines semaines pour se faire une place au soleil. Mais là, tout indique qu’elle n’aura pas les coudées franches.
Dans le royaume, la libéralisation du fixe, intervenue après celle du mobile, est en effet considérée comme la nouvelle poule aux ufs d’or des télécoms. Méditel, deuxième opérateur national, n’a pas acquis par hasard la deuxième licence de téléphonie fixe du pays en 2005. Ni annoncé, ce même 16 janvier, avoir franchi la barre des 100 000 clients de Tilifoune Dialdar, son service de téléphonie fixe commercialisé depuis mai dernier. Autre preuve que la concurrence n’entend pas se laisser marcher sur les pieds : dès décembre 2006, Maroc Télécom annonçait un investissement de 600 millions de dollars dans ses activités marocaines… Les hostilités ne font que commencer !

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