Épidémie de choléra en Algérie : confusion, rumeurs et conséquences économiques

L’épidémie de choléra qui touche le pays depuis quelques jours a créé une vague de panique en Algérie. Pénuries, aliments boycottés, ruée vers les hôpitaux… Les Algériens semblent déconcertés depuis l’annonce de l’épidémie.

En Algérie, de nombreux consommateurs boudent des fruits et légumes de peur d’être contaminés par le choléra. Ici, un marché dans les ruelles de la vielle ville de Ghardaia, en Algérie. © Sidali Djenidi pour JA

En Algérie, de nombreux consommateurs boudent des fruits et légumes de peur d’être contaminés par le choléra. Ici, un marché dans les ruelles de la vielle ville de Ghardaia, en Algérie. © Sidali Djenidi pour JA

Publié le 28 août 2018 Lecture : 4 minutes.

L’épidémie de choléra qui touche six wilayas du pays (Bouira, Blida, Tipaza, Alger, Médéa et Aïn Defla) a engendré un vent de panique en Algérie. Les rumeurs sur l’origine de la maladie et la communication hésitante des autorités n’arrangent pas la situation.

Stupeur et consternation

À Alger, les personnes rencontrées restent stupéfaites du dernier bilan de l’épidémie : deux décès et 56 cas confirmés sur les 161 personnes hospitalisées depuis le 07 août, selon les derniers chiffres du ministère de la Santé publiés le 27 août. Beaucoup ont du mal à croire que l’Algérie puisse toujours faire face à ce type de maladie.

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« C’est une honte, une honte », répète un vendeur de légumes, rencontré dans les allées du marché couvert Ferhat-Boussaâd (ex-Meissonnier). « Nous vivons en 1800 ou en 2018 ? Nous en sommes encore là ? », s’interroge-t-il.

Depuis l’annonce officielle de l’épidémie, le 23 août, par le ministère de la Santé et l’Institut Pasteur d’Alger, les spéculations vont bon train sur la source de la maladie. D’après les autorités, la contamination serait d’origine alimentaire et non hydrique. Certains consommateurs boudent donc les fruits et légumes, notamment les pastèques et les melons, soupçonnés d’être irrigués avec de l’eau usée.

Si la pastèque est à l’origine de l’épidémie, pourquoi les autorités n’interdisent-elles pas la vente de ce fruit ? », s’insurge un vendeur

« C’est faux. Vous croyez encore ce qu’il se dit à la télévision ? », répond ainsi un marchand de pastèques agacé. « Moi, j’en mange et mes enfants aussi. Vous croyez que je pourrais vendre un produit dangereux ? Si la pastèque est à l’origine de l’épidémie, pourquoi les autorités n’interdisent-elles pas la vente de ce fruit ? », s’insurge le vendeur.

« La maladie ne vient pas du melon, les gens ont davantage peur de consommer des pastèques. Mais tout cela prouve que l’on est encore un pays du tiers-monde », souligne un jeune homme qui vend des melons dans la rue.

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Ruée vers les eaux minérales

Samedi, les autorités sanitaires confirmaient la présence du vibrion cholérique dans une source de Hmar El Aïn, une commune de la wilaya de Tipaza. Des recherches sont toujours en cours pour identifier d’autres foyers potentiels de la maladie. En attendant, le ministère de la Santé a appelé la population « à ne pas s’approvisionner au niveau des points d’eau non traités et non contrôlés », dont les sources et les puits.

L’eau du robinet, elle, est « saine, potable et de bonne qualité », assurait Ismaïl Amirouche, directeur général de l’Algérienne des eaux (ADE). Ces affirmations n’ont pas empêché les habitants des premières wilayas concernées (Blida, Tipaza, Alger et Bouira) de prendre d’assaut les supérettes pour se fournir en eaux minérales. Face à la forte demande et aux ruptures de stocks, certains commerçants en ont profité pour augmenter le prix des bouteilles de cinq dinars.

Il y a une certaine panique car les personnes ne sont pas bien informées », avoue un pharmacien

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Une situation dénoncée par Mustapha Zebdi, président de l’Association de protection et d’orientation du consommateur et son environnement (Apoce). « Cela a coïncidé avec la fête de l’Aïd et le week-end durant lequel les dépositaires n’étaient pas opérationnels », indique-t-il en rapport avec les ruptures de stocks chez certains vendeurs. « Désormais, la situation est dénouée et les prix sont revenus à la normale. L’association des producteurs de boissons a condamné ces hausses observées chez quelques commerçants. Elle est en train de faire la distribution surtout au niveau des villes touchées par les cas de choléra », poursuit le responsable.

Dans certaines pharmacies du centre-ville d’Alger, les gels antibactériens et les sels de réhydratation orale, qui coûtent 100 dinars le sachet, se vendent plus que d’habitude mais il n’y a pas de pénurie, indique le gérant d’une officine. Ce dernier affirme n’avoir reçu aucune consigne de la part des autorités sanitaires. « Il y a une certaine panique car les personnes ne sont pas bien informées », avoue le pharmacien, à demi-mot.

Tous ceux qui ont un petit mal de ventre viennent directement à l’hôpital

La rentrée scolaire menacée ?

Les hospitalisations sont en baisse, affirme-t-on du côté du ministère de la Santé. Elles sont passées « de 33 cas le 23 août à 4 cas le 26 août ». Les malades sont pris en charge à l’hôpital de Boufarik (dans la région de Blida) et au niveau de l’établissement hospitalier El Hadi Flici, à Alger, spécialisé en maladies infectieuses. Samedi, près de 500 personnes prises de panique ont afflué vers cette structure, indiquait Issam-Eddine Bouyoucef, directeur de l’établissement. « Tous ceux qui ont un petit mal de ventre viennent directement à l’hôpital. Il y a eu des suspicions mais beaucoup sont des cas d’intoxication alimentaire », nous dit-on aux urgences.

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L’inquiétude reste palpable, alors que la rentrée scolaire approche à grands pas. La ministre de l’Éducation nationale, Nouria Benghabrit, déclare qu’il n’y aura pas de report et que les élèves sont attendus dès le 5 septembre. Des mesures ont été prises contre le choléra, notamment en matière d’hygiène et de prévention, a-t-elle fait savoir le 27 août.

Critiquée pour sa gestion de la crise, le ministre de la Santé, Mokhtar Hasbellaoui, se voulait tout aussi rassurant. Dimanche, lors de sa première apparition publique depuis l’annonce de la maladie, il affirmait que « l’épidémie sera éradiquée dans les trois prochains jours ». Preuves de la confusion qui règne actuellement, son département a aussitôt démenti, indiquant qu’il s’agissait de « propos attribués » au ministre par certains médias.

Des faits qui viennent s’ajouter à l’annonce tardive de l’épidémie par les autorités. Selon certains médias, celles-ci auraient été au courant de la nature de la maladie au moins depuis le 20 août.

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