Génocide des Herero : la Namibie attend toujours les excuses de l’Allemagne
L’Allemagne remet mercredi à la Namibie des ossements de membres des tribus Herero et Nama exterminés durant la période coloniale. Un geste de réconciliation jugé toutefois très insuffisant par leurs descendants, qui attendent des excuses officielles de Berlin.
Les excuses attendront une nouvelle fois. En attendant, la ministre de la Culture de Namibie, Katrina Hanse-Himarwa, recevra 19 crânes, des ossements divers et un scalp pris par les forces coloniales allemandes il y a plus d’un siècle, lors d’une cérémonie religieuse à Berlin mercredi 29 août. Des dépouilles qui proviennent, pour la plupart, de la collection anthropologique de la clinique universitaire berlinoise Charité.
Mais loin d’apaiser les tensions, cette manifestation irrite fortement les représentants des deux ethnies, victimes de ce que les historiens considèrent comme le premier génocide du XXe siècle. Le comportement de l’Allemagne est « choquant », a dénoncé à Berlin Esther Utjiua Muinjangue, présidente de la fondation Ova Herero Genocide. Selon elle, cette remise aurait dû être l’occasion pour le pays de présenter enfin officiellement des excuses, à même de « guérir les blessures émotionnelles ».
Berlin a « encore fort à faire »
L’Allemagne a « encore fort à faire » pour assumer son passé colonial sur ce territoire africain (1884-1915), a reconnu cette semaine Michelle Müntefering, secrétaire d’État pour la politique culturelle internationale au ministère des Affaires étrangères et maîtresse de la cérémonie. Selon elle, la cérémonie de mercredi ne constitue pas le cadre adéquat pour des excuses, a-t-elle argumenté.
Le gouvernement allemand a reconnu sa responsabilité dans les massacres et indiqué en 2016 qu’il prévoyait des excuses officielles dans le cadre de négociations avec la Namibie. Mais les discussions sont toujours en cours, et les excuses en suspens.
« Des réparations, une reconnaissance et des excuses » sont les conditions d’une normalisation des relations diplomatiques entre l’Allemagne et la Namibie, a rappelé à cet égard la ministre Katrina Hanse-Himarwa lors d’une conférence de presse commune avec Mme Müntefering lundi soir.
Berlin a jusqu’ici refusé de payer des réparations financières, préférant des compensations sous forme d’aide au développement. L’Allemagne dit avoir déjà versé dans ce cadre des centaines de millions d’euros à la Namibie depuis son indépendance de l’Afrique du Sud en 1990.
Camps de concentration
Mais c’est tout le pays qui en profite. Or, les seules victimes sont les tribus Herero, qui représentent environ 7% de la population namibienne contre 40% au début du XXe siècle, et les Nama. Leurs représentants ont lancé une procédure judiciaire à New York pour exiger des réparations directement aux descendants des deux ethnies exterminées.
Privés de leurs terres et de leur bétail, les Herero s’étaient révoltés en 1904 contre les colons allemands, faisant une centaine de morts parmi les colons. Envoyé pour mater la rébellion, le général allemand Lothar von Trotha avait ordonné leur extermination. Les Nama s’étaient soulevés un an plus tard et subirent le même sort.
Au total, au moins 60 000 Herero et environ 10 000 Nama perdirent la vie entre 1904 et 1908. Les forces coloniales allemandes avaient employé des techniques génocidaires : massacres de masse, exil dans le désert où des milliers d’hommes, femmes et enfants sont morts de soif, et camps de concentration comme celui tristement célèbre de Shark Island.
Expériences scientifiques à caractère racial
Les ossements, en particulier les crânes de victimes, furent envoyés en Allemagne pour des expériences scientifiques à caractère racial. Le médecin Eugen Fischer, qui a officié à Shark Island et dont les écrits ont influencé Adolf Hitler, cherchait à prouver la « supériorité de la race blanche ».
L’historien Christian Kopp, de l’ONG Pas de prescription pour les génocides, a exigé que la lumière soit enfin faite sur le nombre d’ossements en provenance de Namibie et d’autres anciennes colonies allemandes encore présents sur le sol allemand. Selon lui, il n’y a « aucune transparence à ce sujet ».
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