Vingt-trois sommets au crible

Lieux, dates, fréquence, participants Tout ce qu’il faut savoir sur les rencontres au plus haut niveau entre le continent et l’ex-métropole.

Publié le 29 janvier 2007 Lecture : 5 minutes.

Cannes accueillera, les 14 et 15 février, la 24e conférence des chefs d’État d’Afrique et de France. Du premier, réuni par Georges Pompidou à Paris en novembre 1973, au huitième, convié en novembre 1981 dans la capitale française par François Mitterrand, on a qualifié ces rendez-vous de « sommets franco-africains ». Ces réunions se sont ensuite appelées « conférences des chefs d’État de France et d’Afrique », puis, depuis le sommet de Paris en 1998 sous la présidence de Jacques Chirac, « conférences des chefs d’État d’Afrique et de France ». À partir de 1988, ces réunions deviennent bisannuelles. Auparavant, elles avaient lieu chaque année, mais la tenue tous les deux ans du sommet de la Francophonie – qui rassemble en partie les mêmes partenaires – a conduit à les alterner. Depuis 2000, on tient compte également, pour en fixer la date, des réunions Union européenne-Afrique.
Sur vingt-quatre sommets, treize se seront tenus en France et onze sur le continent, dont un en Afrique du Nord et dix en Afrique subsaharienne : quatre en Afrique de l’Ouest et six en Afrique centrale (dont trois dans d’anciennes possessions belges). Aucun n’a eu lieu jusqu’ici dans un pays lusophone ou anglophone (toutefois, le Cameroun, hôte du sommet de 2001, est officiellement bilingue), et un seul dans un pays arabophone (Casablanca, en 1988).
Le principe de l’alternance de l’accueil entre la France et le continent a été instauré dès le début. Aucune ville n’a cependant abrité autant de réunions que Paris : sept sur treize. Les autres sites ont toujours été des villes équipées pour la réception de nombreux étrangers, cités touristiques ou stations balnéaires (Nice, Vittel, Antibes, La Baule, Biarritz et maintenant Cannes, préféré à Lyon, un moment envisagé). On constate d’ailleurs que, à quelques exceptions près, les chefs d’État ont toujours été plus nombreux lorsque les sommets se tenaient en France, notamment à Paris.
Peut-être faut-il se souvenir ici d’une réflexion un peu cynique de Michel Debré, alors Premier ministre français, dans une note qu’il adressa au début de 1960 au général de Gaulle. Après avoir relevé (chez les partenaires africains) le sentiment « depuis quelque temps d’une certaine indifférence à l’égard de la Communauté », Michel Debré propose de convier « prochainement » les chefs d’État et de gouvernement d’Afrique à des réunions qui seraient distinctes des conseils exécutifs de la Communauté (le septième et dernier de ceux-ci s’est tenu à Paris en mars 1960). On pourrait penser, écrit-il, à une « semaine africaine », au cours de laquelle les chefs d’État seraient reçus à l’Élysée séparément ou par groupe. Michel Debré voit « un seul obstacle à ce projet : il est créé par M. Félix Houphouët-Boigny, dont l’égocentrisme et l’ambition se manifestent depuis quelques mois et aboutissent à lui faire prendre des chemins très particuliers. À mon avis, à son égard, il faut manuvrer et envisager bientôt de le mettre en face de ses responsabilités. La psychologie des hommes – et en particulier des Africains – permet de penser que la volonté d’Houphouët-Boigny de prendre la tête d’une organisation des États africains d’expression française n’est pas acceptée par tous. On peut même penser qu’Houphouët a rencontré des déceptions. La plupart des Africains, quitte à se réunir, préfèrent encore le faire à Paris et avec ?la France que dans une ville africaine et avec un des leurs. »
Cette proposition resta sans suite immédiate ; le général de Gaulle préférait visiblement recevoir les chefs d’État africains en tête à tête, ce qu’il fit d’ailleurs abondamment et de bonne grâce, si l’on en croit les Mémoires de Jacques Foccart. Il faudra donc attendre la présidence de Georges Pompidou pour que naisse un nouveau cadre de dialogue collectif entre la France et l’Afrique.
Sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, le nombre de pays assistant aux sommets est passé de 15 à 24, à la fois en raison de l’augmentation du nombre des anciennes possessions françaises présentes (de 10 à 15) et de celui de pays n’ayant jamais eu de liens historiques avec la France : aucun n’était invité à la conférence réunie en 1973 par Pompidou, cinq étaient présents dès 1975 et neuf en 1980.
Les anciennes colonies belges, puis portugaises ont été les premières à participer. Ensuite, les invitations se sont progressivement étendues bien au-delà du fameux « pré carré », englobant des territoires anciennement espagnols (Guinée équatoriale) ou italiens (Somalie), britanniques, ou n’ayant jamais été colonisés (Éthiopie, Liberia). Le nombre de chefs d’État présents est passé de 9 à 16.
Sous les deux présidences de François Mitterrand, le nombre de délégations présentes a d’emblée dépassé la trentaine, mais n’a jamais atteint la quarantaine : de 32 en 1981 à Paris, le nombre de participants est passé à 39 à Casablanca en 1988, pour retomber à 36 en 1994 à Biarritz. En revanche, en 1983, à Vittel, le nombre de délégations venant de pays n’ayant pas de liens historiques avec la France a pour la première fois dépassé celui des anciennes possessions françaises. Le nombre de chefs d’État dirigeant personnellement leur délégation est variable : de 14 (à Libreville en 1992, Mitterrand, malade, n’étant lui-même pas présent) à 27 (à Biarritz, dernier sommet de Mitterrand, où beaucoup de chefs d’État tenaient à lui faire leurs adieux).
D’emblée, les sommets tenus depuis que Jacques Chirac est président ont atteint des taux de participation encore plus élevés : 46 à Ouagadougou en 1996, 49 à Paris en 1998, 52 à Yaoundé en 2001, 52 à Paris en 2003, 53 à Bamako en 2005. Il n’est pas d’usage d’inviter de délégations non africaines (cependant, le président togolais Eyadéma avait invité, en 1986, un représentant d’Haïti et Chirac a convié au prochain sommet Angela Merkel, Luiz Inácio Lula da Silva et Junichiro Koizumi). Le nombre de chefs d’État présents a atteint 34 en 1998. Des pays qui n’ont jamais caché leur hostilité à la notion de « pré carré » ou de « Françafrique » participent depuis plusieurs années à ces rendez-vous sans manifester aucun état d’âme, au contraire. Ainsi de l’Algérie, de la Libye, de l’Afrique du Sud, du Nigeria…
Il est trop tôt pour dire combien de chefs d’État seront présents à Cannes. Mais à Bamako, on avait noté l’absence des présidents congolais Kabila, rwandais Kagamé, burundais Nkurunziza, angolais Dos Santos, ivoirien Gbagbo, guinéen Conté, cependant que le Gabonais Bongo Ondimba n’avait fait qu’une apparition éclair. En revanche, la présidente nouvellement élue du Liberia, Ellen Johnson-Sirleaf, avait été la vedette du sommet.
Sauf imprévu, la conférence de Cannes sera la dernière à laquelle participera Jacques Chirac avant de quitter ses fonctions. Il est donc possible qu’un certain nombre de leaders africains répondent à l’invitation pour lui faire leurs adieux, comme ce fut le cas avec Mitterrand, lors du sommet de Biarritz en 1994.

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