Tunisair : l’aérien tunisien dans la tourmente
L’annonce d’un plan de suppression de 1 200 postes au sein du pavillon national a secoué la Tunisie. Mais cette seule mesure ne suffira pas à ce que Tunisair relève la tête.
« Tunisair doit se séparer de 15 % de son effectif », soit 1200 agents sur un total de 7 800 employés, a asséné le PDG de l’entreprise, Ilyes Mnakbi, dans un entretien avec Reuters, publié le 24 août..
Le dirigeant impute la dégradation de la situation de la compagnie à des recrutements massifs entre 2011 et 2012 mais omet de préciser que, pour l’essentiel, ces recrutement sont la conséquence la réintégration, sous la pression syndicale, des sociétés de catering et de handling au sein de l’entreprise. Une déclaration d’autant plus étonnante que, depuis fin 2015, la compagnie avait entamé un plan de redressement, le second depuis 2003, qui prévoyait le gel des recrutements et le départ de 1 700 personnes – un chiffre ramené ensuite à 1 000 – sous forme de départs volontaires, de mises à la retraite anticipée et de retraites anticipées.
Ce programme avait été approuvé par le gouvernement qui avait pris en charge 165 millions de dinars (51,4 millions d’euros) de dettes de la compagnie, notamment à l’égard de l’Office de l’aviation civile et des aéroports (OACA), ainsi qu’une partie des charges sociales impayées par Tunisair, mais il semble que, depuis, l’exécutif n’a pas poursuivi l’appui à la mise en place de réformes.
À la merci du moindre problème technique
La masse salariale annuelle de 300 millions de dinars contribue certes à faire tanguer les équilibres financiers de la compagnie qui affiche 70 millions dinars de pertes en 2017 et plus de 500 millions en cumulé. Cependant, les problèmes de Tunisair sont aussi d’un autre ordre. La compagnie battant pavillon national n’a pas su négocier son virage de développement et ne peut faire face aux rotations programmées avec une flotte de 35 appareils, dont 5 sont en location.
« En haute saison, un problème technique sur un avion a un effet domino sur de nombreux autres vols », précise un commandant de bord qui pointe la maintenance des appareils. En effet Tunisair ne dispose pas d’un stock de pièces de rechange et ses fournisseurs exigent désormais un acompte ou un paiement préalable, gages d’une crédibilité en berne.
L’image de Tunisair est surtout écornée auprès des passagers qui n’admettent plus de payer à des prix forts un service souvent approximatif et des vols dont ils ne savent s’ils partiront dans les délais. À chaque haute saison ou période de pointe, elle ne parvient plus à assurer ses rotations avec des annulations et des retards.
L’ouverture du ciel reportée
Au premier trimestre 2018, Tunisair était ainsi la dernière des compagnies africaines suivies par l’entreprise OAG pour la ponctualité, avec à peine 50,2 % de ses vols à l’heure. Au mois d’août, la moitié des vols ont encore enregistré des retards, dont certains de plus d’une dizaine d’heures, sans qu’aucune précision ne soit donnée aux passagers. Et ce n’est pas faute de personnel. « Il s’agit d’organisation, de communication et de prestations », lance un passager mécontent de sa nuit à l’aéroport de Djerba qui assure boycotter Tunisair désormais.
>>> À LIRE : Infographie : quelles sont les compagnies aériennes africaines les plus ponctuelles depuis le début de l’année 2018 ?
Quant à la situation chaotique des aéroports tunisiens, sous dimensionnées par rapport au flux des passagers, elle semble affecter principalement Tunisair et pas les autres compagnies. De là à en conclure que ce laisser-aller est volontaire pour pousser à une privatisation de la compagnie que refusent les syndicats et l’opinion publique, il n’y a qu’un pas que certains franchissent allègrement.
Le protectionnisme ambiant qui voit dans la compagnie un pan du patrimoine national a eu pour effet le report de l’ouverture du ciel alors que les accords avec l’Union européenne (UE) ont été négociés début 2018. De fait, la compagnie, qui bat de l’aile comme toutes les entreprises publiques tunisiennes, est au pied du mur. Elle ne peut échapper à l’arrivée de la concurrence mais n’a pas les moyens de sa restructuration. À la croisée des chemins, elle n’en a pas moins des ambitions : « accompagner le développement de l’économie du pays, avec l’ouverture de nouvelles escales notamment en Afrique et transporter 4 millions de passagers en 2018 ».
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