Elon Musk : le gosse de Pretoria devenu l’homme le plus riche du monde
Le fantasque patron sud-africain de Tesla et SpaceX vient de voir sa fortune dépasser celle du fondateur d’Amazon, Jeff Bezos. Itinéraire d’un « Genius Boy » à la conquête de l’espace.
Grâce à la formidable progression de l’action Tesla, qui a vu sa valeur multipliée par plus de 7 en 2020, la fortune d’Elon Musk, patron du constructeur de véhicules électriques haut de gamme, a atteint 188,5 milliards de dollars le 7 janvier, selon les calculs de l’agence Bloomberg qui tient à jour un classement des milliardaires.
Le Sud-Africain de 49 ans, qui dirige également SpaceX, devance ainsi d’1,5 milliard Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, à qui il ravit le titre d’homme le plus riche du monde – devant Bill Gates, le fondateur de Microsoft, l’empereur du luxe Bernard Arnault (LVMH) et le patron de Facebook Mark Zuckerberg, âgé de seulement 36 ans.
Space invader
Fils d’un ingénieur en astromécanique sud-africain et d’une mannequin et diététicienne d’origine canadienne, Elon Reeve Musk naît à Pretoria, le 28 juin 1971. En plein apartheid. Est-ce ce modèle cadenassé qui le poussera à vouloir sans cesse s’échapper ? À douze ans, alors que ses parents ont divorcé en 1980, Elon, qui vit avec son père, crée son premier jeu vidéo, Blastar, inspiré du célèbre Space Invaders développé cinq ans plus tôt au Japon.
Il en tirera 500 dollars, en revendant le code du programme à un magazine informatique sud-africain, PC and Office Technology. « Genius Boy », comme on le surnomme, lit beaucoup. C’est un passionné de bandes dessinées. Le blondinet, qui ira jusqu’à nommer un de ses fils Xavier en référence au professeur dans X-Men, est régulièrement le martyr de ses camarades de la Pretoria Boys High School, sans doute un peu trop traditionnelle pour lui.
À 16 ans, il tente d’ouvrir une salle d’arcade avec son frère Kimbal. Le projet avorte mais le jeune Musk ne manque pas d’idées. Il est persuadé, dès cette époque, que l’Amérique lui offrira la possibilité de les mettre en place. Il rêve de la Silicon Valley, où le monde de la technologie invente le futur à coups de processeurs.
Objectif Mars
En 1988, ayant obtenu la nationalité canadienne par sa mère, il quitte le foyer parental. Il souhaite avant tout échapper au service militaire du régime de l’apartheid. Direction Kingston, au Canada, avec son frère. Se finançant grâce à des petits boulots (son père a refusé de lui payer des études en dehors d’Afrique du Sud), il intègre l’université Queen’s avant, quatre ans plus tard, de partir pour les États-Unis.
À l’université de Pennsylvanie puis à Stanford, il étudie la physique, le commerce et, surtout, crée ses premières entreprises : Zip2 (éditeur de logiciel) et X.com (banque en ligne qui deviendra PayPal). Elles vont lui rapporter ses premiers millions de dollars. En octobre 2002, Paypal est ainsi vendu à eBay pour 1,5 milliard de dollars. Musk, qui en possède 11,7 %, empoche 175,5 millions. De quoi donner corps à son rêve spatial.
Déçu par une Nasa qu’il estime frileuse, il fonde SpaceX en 2002 (deux ans avant d’investir une partie de sa fortune dans Tesla), avec pour objectif de produire des véhicules de lancement spatiaux au premier étage réutilisable, dans le but d’abaisser les coûts de lancement et à long terme de rendre possible la colonisation de Mars.
Très optimiste, malgré quelques ratés, comme en septembre 2016 avec l’explosion de la fusée Falcon 9, ou en décembre 2020, avec l’explosion du prototype SN8, juste après le décollage, Elon Musk prévoit aujourd’hui d’envoyer des humains sur la planète rouge dès 2024, après deux missions inhabitées qui y auraient déposé l’infrastructure de survie nécessaire.
Dès le mois de mai 2020, l’entreprise a été la première société privée à envoyer des humains dans l’espace, à la Station spatiale internationale, et planche actuellement sur des prototypes de fusées réutilisables pour plusieurs vols.
Intelligence artificielle
Elon Musk a également une longueur d’avance sur les Gafam dans son projet de connexion universelle à Internet, a obtenu en 2018 l’aval des autorités américaines pour lancer dans l’espace une constellation de 4 425 satellites et créer le maillage nécessaire à un accès à Internet universel.
Quant à l’intelligence artificielle, elle l’obsède également, tant elle le fascine et l’effraie à la fois. Il a fondé en 2015 l’OpenAI, association de recherche chargé de réfléchir à la création d’une technologie à visage humain « au bénéfice du plus grand nombre ».
« Quand j’étais à l’université, je voulais être impliqué dans des choses qui changeraient le monde. Maintenant je le suis », s’est un jour réjoui le patron de SpaceX, qui a promis qu’il donnerait la moitié de sa fortune à des œuvres de charité, avec notamment « de gros versements dans vingt ans quand Tesla serait stabilisée ».
Doutes
Mais ces succès n’empêchent pas les phases de doute. Ainsi, le 7 août 2018, dans un tweet ayant surpris tout le monde, y compris dans les hautes sphères américaines, Elon Musk avait annoncé son projet de retirer Tesla, le constructeur de voitures électriques dont il est le PDG, de la bourse aux États-Unis, créant une panique boursière.
Am considering taking Tesla private at $420. Funding secured.
— Elon Musk (@elonmusk) August 7, 2018
Deux semaines plus tard, sous la pression de ses actionnaires, il se rétractera, entraînant une enquête pour « fraude » du gendarme américain de la bourse, la Securities and Exchange Commission (SEC), qui se soldera en octobre 2018 par un accord de résolution à l’amiable, Tesla et son fondateur acceptant de s’acquitter chacun d’une amende de 20 millions de dollars.
Consécration boursière
En décembre, Tesla rencontre sa consécration boursière en intégrant le prestigieux indice S&P 500, regroupant les 500 plus grandes sociétés cotées aux États-Unis.
En rejoignant le S&P 500, l’action Tesla a systématiquement été inclue dans des fonds indiciels cotés (exchange-traded funds ou ETF), qui suivent de manière passive les fluctuations de l’indice, ce qui a encore boosté le titre, qui pèse aujourd’hui davantage que General Motors, Ford, Fiat-Chrysler, Toyota, Honda et Volkswagen cumulés.
Pourtant, les ventes du groupe restent bien loin des constructeurs traditionnels : Tesla n’a écoulé que 499 550 voitures sur l’année 2020, bien loin par exemple de Volkswagen et ses 11 millions de véhicules vendus en 2019.
Il est toutefois un des seuls fabricants à avoir tiré son épingle du jeu en 2020 alors que le marché automobile a subi un coup d’arrêt au printemps avec la fermeture temporaire des usines et de nombreux concessionnaires aux États-Unis face à la propagation du Covid-19. Tesla est parvenu à faire grimper ses livraisons de 36% dans le monde l’an dernier quand GM voyait ses ventes reculer de 11,8 % aux États-Unis.
Le groupe de M. Musk bénéficie de l’engouement des investisseurs pour les véhicules électriques et du fait qu’il est parvenu à gagner de l’argent pendant cinq trimestres consécutifs. La compagnie continue à fonctionner presque comme une start-up, d’après les analystes qui soulignent qu’elle n’a pas à gérer de syndicats ni de multiples sites de production. Grâce à sa nouvelle usine à Shanghaï, Tesla est bien implanté en Chine, un pays qui pourrait, selon le cabinet Deloitte, représenter 49 % du marché des véhicules électriques en 2030.
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