Quand Hollywood fait la morale

Publié le 29 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

Comment ne pas se féliciter quand un film, de surcroît une superproduction hollywoodienne, entend dénoncer un scandale ? Encore plus quand ce scandale – le commerce des diamants pour financer les guerres civiles – a provoqué la destruction d’États africains ainsi que des déplacements massifs et des massacres de populations.
Avant de voir Blood Diamond (« Le Diamant du sang »), sur le point d’envahir les écrans du monde entier, on a toutes les raisons de considérer que ce film mérite un accueil sympathique. D’autant que l’acharnement dont a fait preuve l’industrie du diamant pour le dénigrer avant même sa présentation au public incite à penser que ce long-métrage vise juste. Craignant que son succès ne décourage les achats de joaillerie lors des fêtes de Noël aux États-Unis, le Conseil mondial du diamant a dépensé, dit-on, une quinzaine de millions de dollars dans une campagne de publicité pour assurer que les diamants vendus au détail ne servent plus aujourd’hui à financer les exactions de vrais ou faux rebelles africains. La De Beers à elle seule, mise en cause de façon quasi transparente dans le film, aurait « investi » environ la moitié de ce montant dans une opération de communication qui devait accompagner la sortie du film. Il fallait à tout prix éviter un éventuel boycottage en affirmant que le problème évoqué dans le film a été résolu grâce au Processus de Kimberley lancé en 2003.
Après avoir assisté à la projection, on peut se demander pourquoi Blood Diamond a pu susciter une telle polémique. Que raconte-t-il ? Pour l’essentiel, il s’agit d’un pur film d’aventures avec des accents de thriller évoquant le destin de trois personnages. Le premier, celui que joue fort bien le chéri de ces dames depuis l’époque de Titanic, Leonardo DiCaprio, se nomme Danny Archer. Il exerce le dur métier de mercenaire, trafiquant de gemmes à ses heures. Emprisonné après avoir tenté d’exporter frauduleusement des diamants « sales », il apprend de manière fortuite qu’un autre détenu, le Sierra-Léonais Solomon Vandy, a trouvé et caché une énorme pierre, un diamant brut rose de la taille d’un uf qui vaut une somme astronomique. Ce dernier rôle est superbement interprété par Djimon Hounsou, acteur originaire du Bénin et naturalisé américain, qui fut révélé par Steven Spielberg dans Amistad en 1997. Le troisième personnage est une jeune journaliste américaine, Madden Bowen, interprétée par Jennifer Connelly (oscarisée en 2001 pour son rôle dans Un homme d’exception de Ron Howard). Celle-ci entend enquêter sur le trafic de diamants sales et cherche à faire parler des trafiquants comme Archer. Tout le film consiste à raconter comment Archer va se rendre, en compagnie de Vandy et de la journaliste, au cur de la zone rebelle sierra-léonaise pour récupérer la pierre qui doit faire définitivement sa fortune. Le tout assorti d’une histoire d’amour entre le mercenaire amoral et la journaliste humaniste une idylle qui – disons-le tout net au risque de décevoir les fans de l’acteur principal – ne sera jamais charnellement consommée.
En fin de compte, ce film on ne peut plus conventionnel selon les canons d’Hollywood, tellement destiné à distraire que son côté « document sur un sujet vrai » ne saurait prendre le dessus sur son côté fictionnel, est tellement édifiant et moralisant qu’il ne pousse nullement à débattre de quoi que soit. Si on ajoute à cela le fait que le film montre le plus souvent une Afrique de carte postale, vue par des yeux américains, que ce soit sur le versant misérable (la pauvreté et la guerre) ou sur le versant merveilleux (les couchers de soleil et les singes dans la forêt), on comprendra que l’indignation des diamantaires aura surtout servi à faire de la publicité à un long-métrage qui n’en avait pas besoin. Si on le prend pour ce qu’il est, un simple blockbuster au scénario pas trop mal ficelé, Blood Diamond, réalisé par Edward Zwick, est loin d’être le plus mauvais film dans son genre. Mais s’il prétendait vraiment délivrer un message destiné à faire réfléchir son public, alors c’est raté.

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