« Nous vendons avant tout un service »

Pour Patrice Fonlladosa, de Veolia Water, les États doivent avoir une vraie stratégie d’accès à l’eau et des projets qui mobilisent tous les acteurs.

Publié le 29 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

Patrice Fonlladosa, 47 ans, dirige Veolia Water AMI, qui regroupe les filiales Afrique, Moyen-Orient et celles du sous-continent indien de Veolia Eau, division du groupe Veolia Environnement, dont il est également membre du Comité exécutif.

Jeune Afrique : Quel est l’état de la disponibilité de la ressource eau en Afrique ?
Patrice Fonlladosa : L’idée que cette ressource se raréfie est fausse. Les disparités subsistent en ce qui concerne son traitement et sa répartition. Si rareté il y a, c’est surtout celle du temps qui nous manque pour pouvoir valoriser cette ressource, notamment du fait de l’accroissement démographique des grandes villes.
La réponse passe-t-elle nécessairement par l’extension du réseau ?
Les modes de gestion varient suivant que l’on se trouve dans les grandes villes ou non. Au Niger, où Veolia couvre 52 centres, la généralisation des bornes-fontaines est différente de la politique pratiquée à Niamey. Tout dépend également de l’état des infrastructures. Au Gabon, nous investissons surtout dans la capacité de production, les infrastructures étant de bonne qualité.
Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) peuvent-ils être tenus ?
Le taux de couverture d’un pays comme le Gabon est passé de 68 % à 85 % entre 1999 et 2004, selon l’OMS. La cible sera clairement atteinte. Derrière ces chiffres bruts, ce sont des milliers de familles qui ont enfin accès à ce service essentiel. Malheureusement, force est de constater que la situation est nettement plus aléatoire dans d’autres pays.
Votre stratégie en Afrique semble prudente. Quels en sont les critères ?
Notre présence est avant tout fonction du choix des autorités de tutelle de faire appel ou non à un opérateur privé. Mais la règle est de ne pas aller là où nous sentons que la délégation de service public est une variable d’ajustement, qui peut dans les cas extrêmes se solder par une expulsion. L’autre élément est la bonne gouvernance car notre activité s’exerce dans des contrats à long terme, et ne peut s’accommoder d’une instabilité chronique.
Des pays comme le Nigeria n’offriraient-ils pas de meilleurs débouchés ?
Cet État ne connaît pas la maturité de certains de ses voisins. Même si la démographie n’a rien de comparable, le Gabon est une vraie réussite. Depuis dix ans, nous y réalisons 160 millions d’euros de chiffre d’affaires et 50 millions d’investissement par an, avec une couverture de plus en plus étendue, une continuité de service et une qualité de l’eau sans équivalent en Afrique subsaharienne. Nous nous intéressons actuellement au Cameroun, mais le processus est long. Le dossier de la gestion déléguée du secteur de l’eau est examiné par la Banque mondiale depuis plus de trois ans. Nous n’en sommes qu’aux préqualifications.
Y a-t-il en Afrique des exemples de gestion publique réussie ?
Il y a principalement le Maroc dont les acteurs sont des exemples d’une gestion aboutie. Il applique une politique claire qui n’a jamais été remise en question, ses dirigeants et ses cadres sont compétents. Les projets mobilisent tous les acteurs, publics et privés comme Veolia ou la Lydec, du groupe Suez. Dans le cadre de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), le royaume a défini un axe et s’y tient : apporter l’eau et l’énergie à l’ensemble de ses habitants et délivrer des services d’assainissement de loin supérieurs au reste de l’Afrique. Dans ce domaine, le pays a engagé de gros investissements à Tanger, à Tétouan et à Rabat.
Que répondez-vous aux critiques émanant des ONG selon lesquelles votre finalité est la rentabilité d’une ressource vitale qui devrait être gratuite pour tous ?
Ces ONG ne comprennent pas toujours que cette ressource ne nous appartient pas. Nous vendons avant tout un service. Nous puisons l’eau avant de la rendre potable et de la convoyer jusqu’au consommateur sur des dizaines de kilomètres. Cela a un coût. Derrière une facture, il y a des hommes qui travaillent et des équipements à financer. J’ajouterai qu’il n’existe pas d’expérience réussie de gratuité de l’eau. Quant à nous faire croire que l’on peut économiser l’eau sous le prétexte qu’elle est gratuite, c’est parfaitement démagogique.

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