Quinze ans de « nouvelles politiques de développement » en Afrique, pour quel bilan ?

Alors que l’épidémie d’Ebola révèle les failles du système de santé, des secteurs aussi essentiels que l’agriculture ou l’éducation progressent avec difficulté en Afrique subsaharienne. Malgré leurs engagements pris au tournant du siècle, les États n’ont pas tenu toutes leurs promesses.

En Guinée, l’un des foyers d’Ebola, seuls 3 % du budget national sont attribués à la santé. © Sylvain Cherkaoui/Cosmos pour MSF

En Guinée, l’un des foyers d’Ebola, seuls 3 % du budget national sont attribués à la santé. © Sylvain Cherkaoui/Cosmos pour MSF

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© Vincent Fournier pour JA OLIVIER-CASLIN_2024

Publié le 27 octobre 2014 Lecture : 6 minutes.

« Championne de la croissance », « prochaine locomotive de l’économie mondiale », « nouveau marché frontière »… Les superlatifs n’ont pas manqué au cours de la dernière décennie pour qualifier la progression du PIB de l’Afrique. Les institutions internationales félicitent unanimement le continent pour ses performances économiques.

Pour les plus optimistes, l’Afrique, dont le taux de croissance devrait atteindre 6,1 % cette année (hors Afrique du Sud), pourrait bientôt suivre un rythme équivalent à l’Asie émergente (6,7 % en 2014) en matière de création de richesses. Mais ces institutions et les décideurs économiques ont alerté les dirigeants africains sur l’impérieuse nécessité de ne pas oublier les secteurs socio-économiques prioritaires. La croissance doit être inclusive pour les populations, selon le dernier concept des bailleurs de fonds internationaux.

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JA2804p067 info4px; border: 0px solid #000000; float: left;" />Mais certains événements récents sont venus confirmer leurs craintes, comme la fièvre Ebola. L’épidémie touche certes des pays comme la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone, qui se relèvent de graves conflits. Mais la crise sanitaire, qui a franchi la barre des 3 000 morts, met en lumière la défaillance des systèmes et infrastructures de santé, faute d’investissements suffisants et, souvent, de réelle volonté politique.

Pourtant, depuis 2000 et le lancement par l’ONU des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), les États africains ont pris l’engagement, à travers des accords régionaux, continentaux ou internationaux, de consacrer une partie de leur budget à ce secteur ainsi qu’à l’agriculture ou à l’éducation, ô combien essentiels pour le développement de l’Afrique. Près de quinze ans plus tard, où en sont-ils ? Ont-ils tenu leurs promesses dans ces domaines ? Pourquoi observe-t-on toujours d’importantes défaillances à travers le continent ?

La santé sous perfusion

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Manque d’infrastructures et de coordination sanitaire… Ebola a jeté une lumière crue sur les carences des systèmes de santé en Afrique de l’Ouest. Face à cette crise, les OMD et les engagements réguliers des États du continent à améliorer leur situation sanitaire semblent vains.

En 2001, dans la déclaration d’Abuja, ils affirmaient vouloir allouer 15 % des dépenses publiques au secteur de la santé. Treize ans plus tard, ils y consacrent en moyenne moins de la moitié. « La mortalité des enfants de moins de 5 ans a diminué à travers le continent, mais les progrès restent insuffisants », regrettent les experts du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).

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L’Afrique est encore la région du monde où la mortalité maternelle est le plus élevée, loin d’avoir été réduite de trois quarts, conformément à l’objectif 5. Seule la Guinée équatoriale y est parvenue. En revanche, les progrès sont spectaculaires dans la lutte contre les maladies transmissibles. En treize ans, le nombre annuel d’infections par le VIH a diminué d’un tiers chez les adultes, et les courbes de mortalité du paludisme et de la tuberculose commencent à s’inverser. La productivité du continent en sort renforcée, tout comme la confiance du secteur privé international, peu enclin à investir dans une Afrique en souffrance.

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Ce bilan en demi-teinte masque d’importantes disparités. Si le Rwanda fait figure de bon élève depuis 2001, en affectant 19 % en moyenne de son budget à la santé, la plupart des locomotives économiques du continent, du Nigeria à la Côte d’Ivoire, sont très loin du compte. À cette insuffisance des ressources publiques s’ajoute la réduction de l’aide publique au développement (APD). Après avoir bondi de 63 % entre 2000 et 2010 en Afrique, elle a amorcé son déclin sur fond de crise de la dette en Occident. Difficile de ne pas voir dans la conjugaison de ces deux tendances un lien avec l’impuissance des États africains à faire face à Ebola.

L’éducation en retard

Égalité hommes-femmes, réduction de la pauvreté et de la mortalité infantile, lutte contre les maladies… L’instruction apparaît comme un formidable levier de développement social. Selon l’Unesco, si tous les enfants des pays à bas revenu quittaient l’école en maîtrisant les bases de la lecture, 171 millions d’individus pourraient sortir de la pauvreté.

Selon l’Unesco, si tous les enfants des pays à bas revenu quittaient l’école en maîtrisant les bases de la lecture, 171 millions d’individus pourraient sortir de la pauvreté.

Pourtant, en matière d’éducation, le bilan n’est guère satisfaisant, malgré les efforts financiers des États africains, qui allouent en moyenne 22 % de leur budget à ce secteur. Certes, la scolarisation en cycle primaire a beaucoup progressé depuis 2000, mais le continent reste à la traîne. En 2012, dans les pays subsahariens, 30,7 millions d’enfants n’étaient pas scolarisés. « Avec un tel rythme et compte tenu de la croissance démographique, l’objectif d’assurer l’éducation primaire pour tous ne sera atteint qu’en 2055 », explique Hervé Huot-Marchand, chargé de programme pour l’Unesco à Dakar.

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Fulgurants jusqu’alors, les progrès ont fortement ralenti avec la crise financière mondiale de 2008, qui a entraîné une baisse significative des dons. Entre 2010 et 2011, l’APD allouée à l’enseignement primaire des pays les moins développés a chuté de 12,8 %. Néanmoins, certains États comme le Ghana ont obtenu des résultats encourageants grâce à la mise en place d’une politique volontariste. Accra a supprimé ses droits de scolarité en 2003 et doublé ses dépenses d’éducation entre 1999 et 2011, faisant augmenter de 70 % les effectifs du primaire.

Mais la qualité de l’enseignement est insuffisante et ne permet pas une bonne insertion professionnelle. De plus, le corps enseignant, souvent composé de contractuels peu qualifiés, n’a pas le niveau requis. Résultat, 60 % des 250 millions d’enfants dans le monde ne maîtrisant pas les compétences de base vivent en Afrique subsaharienne. Selon l’Unesco, le continent a besoin de 2 millions d’enseignants. Mais avec un niveau de rémunération souvent inférieur au seuil de pauvreté, difficile de faire naître les vocations.

La faim, toujours un fléau

La crise alimentaire de 2007 a rappelé l’importance de la question du développement agricole en Afrique. Sur un continent où 70 % des personnes les plus démunies vivent en zone rurale et où l’agriculture fournit deux emplois sur trois, le secteur occupe un rôle central dans la lutte contre la pauvreté et la faim, premier des huit OMD. Dans le cadre du Programme global de développement agricole pour l’Afrique de 2003, des engagements ont aussi été pris par les différents pays. En 2010, la déclaration de Maputo préconisait l’affectation de 10 % des dépenses publiques à l’agriculture dans un délai de cinq ans.

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Henri-Bernard Solignac-Lecomte : « Le secteur privé a un vrai rôle à jouer dans le développement du continent »

Pour le directeur de l’unité Afrique, Europe & Moyen-Orient de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la création d’emplois et l’instauration d’un contrat social sont les clés pour répondre aux besoins d’une population toujours grandissante.

Lire l’interview complète ici…

« L’intérêt de ce genre de programme réside plus dans la définition d’objectifs communs et d’actions coordonnées. Ne pas avoir pu partout réduire de 50 % la part des individus touchés par l’extrême pauvreté ne signifie pas forcément l’échec des OMD ni la mauvaise volonté des États », tempère Arthur Minsat, économiste à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

En juin dernier pourtant, Kanayo F. Nwanze, président du Fonds international pour le développement de l’agriculture (Fida), a mis les chefs d’État face à leurs contradictions : « Dix ans ont passé depuis Maputo, et seuls sept pays [treize aujourd’hui] ont respecté leur engagement. Arrêtez de promettre ! »

L’inefficacité de la politique agricole – voire son absence – a déjà coûté cher au continent en matière de productivité et de création d’emplois. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), seuls onze pays africains ont atteint le premier objectif des OMD. Soit proportionnellement bien moins qu’en Amérique latine. Même constat en matière de lutte contre l’insécurité alimentaire.

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La proportion d’Africains sous-alimentés est passée de 33 % en 1990 à 24 % aujourd’hui mais, à cause de la pression démographique, 214 millions de Subsahariens souffrent encore de la faim, contre 176 millions à la même époque. « Le continent manque des capacités humaines et institutionnelles pour appliquer efficacement de tels programmes », estime James Tefft, directeur du bureau régional de la FAO en Afrique. Avec la création de bases de données fiables, c’est un enjeu crucial de l’agenda de l’ONU en cours de préparation pour l’après-2015.

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