Le voile et la miss

Publié le 29 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

La même semaine, le même jour, deux Marocaines font parler d’elles aux Pays-Bas, pour des raisons diamétralement opposées. La première demoiselle qui défraye la chronique exerce le noble métier de caissière dans le supermarché Nettorama de Tilburg. Un jour, voilà qu’elle pointe au boulot en portant un voile. Les gens ici se fichent pas mal de ce que vous portez sur la tête, chéchia, canotier ou aigrette en plume d’autruche, mais le voile de H’nia – puisque c’est son nom -, le voile de H’nia était d’une couleur qui jurait effroyablement avec les couleurs de Nettorama : uniforme orange contre voile rose d’Ispahan. La hiérarchie propose donc à H’nia de lui fournir elle-même un voile aux couleurs de la chaîne. Ainsi fut fait. L’usine qui fabrique les uniformes de Nettorama reçut donc commande d’un (nous disons : 1) voile orange. Malheureusement, lorsque H’nia reçut sa coiffe unique, elle s’aperçut avec horreur qu’elle n’était pas 100 % polyester, comme il se doit. L’usine, qui ne maîtrise pas les subtilités de la mode islamique, l’avait fabriquée en toile industrielle double épaisseur renforcée de laine. La pauvre H’nia, ayant essayé la chose, se mit à suer comme un buf. Du coup, elle décida de porter plainte devant la Commission néerlandaise contre la discrimination. C’est là que les journaux découvrirent l’affaire.

Le même jour, ces mêmes journaux publiaient la photo du joli minois d’une autre Marocaine, Zahia. Splendide chevelure auburn – pas du tout cachée par un hennin en polyester -, yeux de braise d’une Carmen du Rif, sourcils effilés comme le poignard d’un corsaire, la bouche boudeuse comme la plus jeune femme du pacha, il faut admettre que Zahia fait sensation dans le polder. Et qui est-elle, cette jolie donzelle ? Eh bien, c’est la favorite du concours Miss Maroc Nederland 2007.
Dans la presse, elle explique les détails de la compétition qu’elle espère bien remporter. Deux ou trois rondes en costume traditionnel, c’est-à-dire en caftan, puis une ronde en costume moderne et enfin la ronde en ravageuse de calendrier Pirelli.
– Je veux montrer, dit-elle, que la femme marocaine aux Pays-Bas est différente de l’image qu’on se fait d’elle. On la décrit soumise, opprimée, les yeux baissés et engoncée dans trois épaisseurs de drap. Eh bien, pas du tout, je veux montrer qu’il y a d’autres façons d’être Marocaine en Hollande. Je revendique le droit d’exhiber les avantages que la Providence a jugé bon de m’accorder.
Les journalistes qui interviewent Zahia lui demandent quel est l’intérêt d’un concours Miss Maroc du plat pays. Y a-t-il vraiment une différence entre la femme hollandaise et la femme marocaine ?
– Bien sûr, leur répond avec superbe la jeune chose. Nous avons du style, nous savons marcher avec élégance, nous savons choisir nos vêtements.
Entre H’nia et Zahia, entre celle qui alerte la justice pour pouvoir porter le voile et celle qui agite les journaux pour mieux se dévoiler, je ne sais pas qui a vos faveurs – et je ne tiens pas à le savoir, parce que chacun est libre de ses opinions. Mais, tant que nous aurons les deux, celle qui croit au ciel et celle qui n’y croit pas, le foulard rose et le bas résille, on pourra dire que la diversité est préservée. Et c’est tant mieux, parce que la diversité, c’est quand même ce qui fait le sel de la vie.

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