Le temps d’un festival, Marseille devient la capitale du couscous

Avec « Kouss Kouss », la très cosmopolite cité phocéenne communie autour d’un même repas, de la terrasse cossue de l’InterContinental aux adresses branchées, en passant par les bonnes tables populaires.

A l’hôtel IntrerContinental de Marseille, lors du festival Kous Kous, le 30 août 2018. © DR / Amandine Place

A l’hôtel IntrerContinental de Marseille, lors du festival Kous Kous, le 30 août 2018. © DR / Amandine Place

leo_pajon

Publié le 31 août 2018 Lecture : 3 minutes.

C’est le coup de feu. Assailli par des parfums de cumin et de coriandre, le chef Lionel Levy voltige entre les plats en préparation, passant des cuisses de poulet, au citron confit, jonglant avec les boulettes de bœuf, pour finalement transporter un agneau entier, badigeonné d’épices, jusqu’à un gigantesque rôtissoire. La scène ne serait déjà pas banale dans une bonne table d’une grande ville d’Afrique du Nord, elle est inédite dans les cuisines de l’InterContinental, un hôtel de luxe du centre de Marseille. « Vous en connaissez beaucoup, vous, des palaces français qui organisent des couscous party ? », lâche le cuistot hilare.

Ce jeudi 30 août, 140 gastronomes chanceux – et fortunés : 79 euros le repas – ont pu dévaler les dunes de blé concassé et se noyer dans les cascades de bouillon de légumes concoctés par cet ardent défenseur du terroir méditerranéen. C’est l’effet Kouss Kouss, un tout nouveau festival organisé dans la cité phocéenne, qui va permettre à des milliers d’amateurs d’origines et de milieux différents de se réunir autour d’une passion partagée, le couscous, jusqu’au premier septembre.

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Lors du festival Kous Kous, à Marseille, le 30 août. © DR / Amandine Place

Lors du festival Kous Kous, à Marseille, le 30 août. © DR / Amandine Place

Vous pouvez mettre autour d’une table dix personnes qui se connaissent pas. Si vous ajoutez un couscous au milieu, il y aura forcément de la discussion !

L’initiative n’a pas d’équivalent en France, en Europe, et à notre connaissance dans le monde. L’événement a bien de lointains cousins sur le pourtour méditerranéen : le « cous cous fest », créé il y a vingt ans en Sicile, et « Couscoussi », initié à Alger cette année, qui se veut « le rendez-vous incontournable des professionnels du couscous ». Mais aucun ne propose un tel mélange des genres et des mondes.

Car les rendez-vous du festival Kouss Kouss se déroulent aussi bien sur la terrasse cossue de l’InterContinentale, que dans de toutes nouvelles adresses branchées de Marseille (Épicerie l’Idéal, la Mercerie…), de bonnes tables populaires (la Goulette, le Comptoir des Beaux-arts et son imbattable couscous algérien à… 6 euros) ou sur le toit-terrasse de la Friche de la Belle de Mai. Deux soirées de 1 000 couverts au moins sont prévues dans ce dernier lieu.

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Ce vendredi 31 août, c’est Fatema Hal, ethnologue, diva de la graine, qui tient à Paris depuis 1984 l’une des adresses marocaines les plus réputées, le Mansouria, qui proposera « son » couscous. Le lendemain, neuf cuisiniers sont invités. Parmi eux, Fatima Rhazi, qui anime depuis 24 ans l’association Femmes d’Ici et d’Ailleurs permettant à des Marseillaises de s’insérer professionnellement, notamment grâce à la cuisine.

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« Vous pouvez mettre autour d’une table dix personnes qui se connaissent pas, qui peuvent être juives, musulmanes, athées… Si vous ajoutez un couscous au milieu, il y aura forcément de la discussion ! », s’amuse la responsable associative d’origine marocaine.

Couscous militant

L’ambition est bien là, qui rend finalement l’assiette assez politique. Dans une métropole en ébullition, très cosmopolite, et accueillant notamment depuis le festival Marseille-Provence, en 2013, de nouvelles populations plus aisées, le couscous crée du liant, du commun. Le plat aux innombrables variantes imaginées au Maghreb, en Afrique subsaharienne, et jusqu’au Brésil, rassemble large. Les Français pourraient même revendiquer leur « part », puisque selon le cuisinier- et ancien historien- Emmanuel Perrodin, présent à la manifestation, « il est l’expression maghrébine d’une vieille cuisine romaine. »

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À l’origine du festival, Fabrice Lextrait et Marie-Josée Ordener, qui supervisent l’ensemble d’établissements Les grandes tables, insistent sur le lien que permettent ces repas partagés. Et cherchent également à valoriser leur dimension créative. « La cuisine est une discipline artistique, tous les cuisiniers, qu’ils en aient conscience ou non, sont dans une démarche culturelle. »

Convaincus que « le couscous peut aussi se chanter, se jouer, se danser », ils ont programmé en un temps record – l’idée du festival est née il y a seulement quelques semaines – un ensemble de concerts et de spectacles associés aux repas. Le groupe « couscous clan » (avec Rachid Taha et Rodolphe Burger) ainsi que la formation orientalo-punk d’Hakim Hamadouch seront de la partie. Et l’on pourra même assister aux performance du Kabareh Cheikhats : douze hommes marocains, habillés en femmes, perpétuant la tradition des Cheikhats, les « geishas » marocaines.

Alors que cette première édition n’est pas encore digérée, ses créateurs imaginent déjà la suite. L’année prochaine, ils envisagent de fédérer les quartiers nord de Marseille, et d’associer un peu plus les artistes de la scène et des fourneaux. Une manière d’élargir toujours plus la liste des convives.

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