Khaled Mechaal
Proche de la Syrie et de l’Iran, le chef du Hamas occupe une place centrale sur l’échiquier politique du Moyen-Orient. Et apparaît désormais comme un interlocuteur incontournable.
Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, a pris le chemin de Damas pour rencontrer Khaled Mechaal, le leader du Hamas. Annoncée, différée, presque annulée, la rencontre a finalement eu lieu le 21 janvier. Les mêmes incertitudes entourent ses résultats. Mais ces péripéties en disent long sur la place qu’occupe Mechaal. Au cur du conflit israélo-arabe, il n’est pas loin des autres crises qui, de l’Irak à l’Iran en passant par le Liban, déchirent la région.
Abbas est allé à Damas comme on va à Canossa. À vrai dire, il n’avait pas le choix. Depuis sa victoire électorale il y a un an, le Hamas contrôle le gouvernement. Faute de reconnaître Israël, il est boycotté par la communauté internationale et privé de subsides. La situation dans les Territoires est intenable. La solution réside dans un gouvernement d’union nationale. Mais les discussions entre le Fatah et le Hamas ont tourné court. De guerre lasse, Abbas a annoncé des élections anticipées. Depuis, la guerre civile menace. Ce que Abbas n’a pas obtenu d’Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre, il est allé le quérir auprès de Khaled Mechaal. Un compromis sur le gouvernement est d’autant plus souhaitable qu’il est question de relancer le processus de paix.
Lors de sa dernière tournée, Condoleezza Rice a diligenté une rencontre en sa présence entre Mahmoud Abbas et Ehoud Olmert pour début février. Javier Solana, le chef de la diplomatie européenne, va jusqu’à parler de la fin du conflit. À l’examen, le contexte n’est guère propice aux décisions difficiles qu’exige un accord de paix. L’Autorité palestinienne, c’est le Hamas, et la cote de popularité d’Olmert n’atteint pas les deux chiffres. Quant à Bush, il a trop à faire avec l’Irak pour s’occuper d’autre chose. L’« initiative de paix » de Rice ne semble pas servir d’autre but que de favoriser la mobilisation des États arabes de la région (Égypte, Jordanie, Arabie saoudite et pays du Golfe) contre l’Iran. Mais les Arabes concernés ne sont pas passifs. Les dirigeants saoudiens se sont démenés pour susciter la rencontre Abbas-Mechaal. Le Syrien Bachar al-Assad a agi dans le même sens, soucieux de renouer avec le rôle « indispensable » de son pays. Les Iraniens ne sont pas en reste. Après ses entretiens avec Abbas, Mechaal a conféré avec Ali Larijani, le patron du Conseil de sécurité nationale de la République islamique. On a noté encore le séjour à Téhéran de son homologue saoudien, le prince Bandar.
Si Mechaal est un partenaire obligé pour les Arabes, il l’est autant pour les Israéliens. Au lendemain de la capture du soldat Gilad Shavit en juin 2006, il est désigné comme une « cible ». Les menaces se sont néanmoins tues, car c’est avec lui qu’on devrait négocier pour libérer le caporal. Les tractations ont eu lieu sous l’égide de Omar Souleimane, le patron des services égyptiens. Elles portaient en particulier sur le nombre des prisonniers palestiniens à libérer en échange. Mais côté israélien, personne n’était en mesure de décider
Ce n’est pas la première fois que les Israéliens se voient contraints d’épargner Mechaal, qui est proprement un miraculé. En septembre 1997, un commando du Mossad est chargé de le liquider à Amman. Méthode originale : il lui injecte, pendant son sommeil, un poison mortel. L’opération tourne mal : deux agents sont arrêtés et les quatre autres se réfugient à l’ambassade israélienne. Le roi Hussein se sent d’autant plus trahi par ses amis israéliens qu’il venait de leur transmettre une proposition de trêve de trente ans émanant précisément du Hamas C’est Benyamin Netanyahou qui est Premier ministre. Les deux pays sont au bord de la rupture. Finalement, les Israéliens fournissent l’antidote qui sauve Mechaal. De plus, ils libèrent Cheikh Ahmed Yassine.
Khaled Mechaal a pratiquement toujours vécu loin de la Palestine. Né dans un village proche de Ramallah, son enfance a été bercée par les faits d’armes de son père qui a combattu les autorités britanniques. Au lendemain de la guerre de 1967, sa famille s’exile au Koweït. À l’époque, l’émirat est un haut lieu de nationalisme palestinien. C’est parmi les Frères musulmans que Khaled fait ses classes politiques. À l’université, il anime un groupe de la même obédience. Licencié en physique, il se destine à l’enseignement. On le compte parmi les fondateurs du Hamas en 1987. Il quitte le Koweït en 1990 lorsque éclate la guerre du Golfe pour s’installer à Amman. En 1996, il dirige la section locale du Hamas, et ne sort de l’ombre que lorsqu’il échappe au Mossad.
Mais c’est seulement à la fin de 2002 qu’il apparaît comme un responsable reconnu du mouvement islamiste. Il dirige alors la délégation aux pourparlers du Caire sur les cessez-le-feu avec Israël. D’ailleurs, c’est de cette période que date sa première rencontre avec Mahmoud Abbas, le numéro deux de l’OLP. Son titre est président du bureau politique. Après l’assassinat, en 2004, de Cheikh Yassine et de Abdelaziz al-Rantissi, il apparaît comme l’homme fort sinon le patron du Hamas. Lorsqu’il menace, fin 2006, de déclencher une troisième Intifada si, « dans les six mois », Israël n’évacue pas les territoires occupés en 1967, on le prend au sérieux. Fin 2005, il établit le bilan de la deuxième Intifada : 4 500 maisons détruites, 4 000 morts, 28 000 prisonniers et 8 dirigeants du Hamas assassinés. En face, 919 morts israéliens. « La résistance et les tueries ne sont pas une fin en soi, explique-t-il, mais nous sommes obligés de nous battre si nous voulons obtenir nos droits. » Il cite les mémoires de Moshé Dayan qui écrit que, pour Israël, l’Égypte ne comptait plus après 1967, mais que tout a changé après la guerre de 1973 lorsqu’elle a pris l’initiative des hostilités. Mechaal dit encore : « Nous ne combattons pas les juifs parce qu’ils sont juifs, mais parce qu’ils sont des occupants. Si des Arabes nous occupaient, nous les combattrions de la même manière. »
Sur la reconnaissance d’Israël, la position défendue par Mechaal ne relève pas d’un irrédentisme à connotation religieuse mais de considérations purement politiques. Il sacrifie au principe de réalité : « Il existe dans la région une entité sioniste appelée Israël, mais je ne suis pas tenu de reconnaître sa légitimité. Ce n’est pas mon problème. Mon problème c’est qu’Israël reconnaisse l’existence du peuple palestinien et de ses droits. » Un autre argument qui ne manque pas de pertinence : l’OLP, les États arabes ont reconnu Israël qui, pour autant, n’a rien lâché. Que faire donc ? « Autre chose. »
On comprend dès lors que s’il mesure son soutien à Mahmoud Abbas, ce n’est pas parce qu’il ignore les vertus du pragmatisme, mais parce qu’il doute qu’avec des partenaires tels que Bush et Olmert, il puisse obtenir des résultats.
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