Informer, réfléchir, expliquer, divertir…

L’intelligence économique ? Voilà une notion dont on parle beaucoup sans toujours savoir ce qu’elle recouvre. Le dossier que lui consacre le dernier numéro de La Revue révèle, sous un angle nouveau, la guerre que se livrent les entreprises à l’échelle planétaire et dévoile les stratégies des uns et des autres pour contrer leurs concurrents. Tout un univers, souvent ignoré, se dessine au fur et à mesure des propos recueillis auprès des plus grands spécialistes français. Reconversion des espions, exercice de communication en situation de crise, protection des technologies, stratégies pour contrecarrer les progrès des pays émergents… tout est passé au crible. Les enjeux sont colossaux. L’émergence de nouvelles puissances industrielles et technologiques ou de pays à fort potentiel, comme la Chine et l’Inde, bouleverse la donne. Conscient des nouveaux dangers de la mondialisation et du durcissement de la concurrence, l’État français a compris que l’intelligence économique ne concerne pas seulement les entreprises privées. Cyril Bouyeure, coordonnateur ministériel à l’intelligence économique, lève le voile sur les orientations de Paris. Tout un dispositif est instauré pour conquérir de nouveaux marchés tout en préservant les anciens, afin de protéger les entreprises nationales et les emplois.

La France doit s’adapter aux nouvelles conditions de la mondialisation ; ce que les élites ne semblent pas toujours bien saisir, explique le philosophe Marcel Gauchet. Elles « perdent la tête » et oublient d’appréhender l’insertion de la France dans un environnement européen et mondial en pleine évolution. Sans indulgence pour ses contemporains, Gauchet constate que les élites ne remplissent plus leur fonction. Elles ignorent et méprisent les autres, qu’il s’agisse de la « France d’en bas » ou du monde hors de l’Hexagone. Elles n’en sont que plus en décalage avec la réalité. La primauté accordée à l’économique leur a fait perdre de vue le politique. Leur absence de réflexion en ce domaine n’en est que plus criante. Ce n’est pas Emmanuel Todd qui dira le contraire. Le sociologue décrit la place importante occupée par l’irrationnel dans les prises de décision des dirigeants. La folie est présente partout et explique nombre de crises.
La religion aussi. Une enquête, menée dans les milieux évangéliques par les journalistes de Jeune Afrique, et qui constitue un autre moment fort de cette livraison, révèle l’ampleur de l’empire et de l’emprise de ces églises. Elle dépeint une réalité des plus inquiétantes : escroquerie financière, influence grandissante auprès de la classe politique au point parfois de la contrôler, désocialisation des fidèles… Tous les continents sont touchés par le phénomène.

Prenant le temps de la réflexion et de l’analyse, La Revue, qui souhaite s’adresser à un lectorat des plus divers, allant du cadre supérieur à l’étudiant, tente de susciter aussi la discussion. Le général Étienne Copel invite à repenser le rôle du nucléaire dans la production d’énergie. Même les écologistes ne devraient pas rester insensibles à certains de ses arguments. Avec sérieux mais aussi humour, le bimestriel décrypte l’actualité et apporte des éclairages nouveaux sur des personnalités et des événements importants. La mise en page est soignée, l’illustration de qualité. L’un des musts est son portfolio. Consacré dans ce numéro à la Corée du Nord en complément d’un portrait de Kim Jong-il, il présente une galerie de photographies témoignant des réalités de « la dictature socialiste la plus fermée du monde ». Nul doute que La Revue redonne toute sa dimension ?à l’analyse instructive et à la réflexion.

La Revue. Pour l’intelligence du monde, bimestriel, n° 6, jan./fév. 2007. En vente dans les kiosques (France : 9 euros ; Maroc : 90 DH ; Tunisie : 13 DT ; Zone CFA : 7 000 F CFA).