Burkina Faso : retour sur l’arrestation de l’activiste Safiatou Lopez pour « implication dans une tentative d’évasion »
L’arrestation de la militante Safiatou Zongo Lopez, mercredi 29 août, a créé l’émoi au sein de la société civile burkinabè. Suspectée d’avoir participé à une tentative d’évasion de militaires détenus à la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca), elle a été déférée lundi 3 septembre dans la soirée.
« Elle était dans l’œil du cyclone à cause de ses critiques contre le gouvernement de Paul Kaba Thieba », juge Marcel Tankoano, président du Mouvement du 21-Avril 2013 (M21) et membre d’un collectif d’organisations de la société civile qui réclame la « libération immédiate » de Safiatou Lopez.
Militante de la société civile, qui s’est notamment illustrée lors de l’insurrection populaire de 2014 et lors de la mobilisation populaire contre le putsch manqué de 2015, la présidente d’honneur du Cadre de concertation nationale des organisations de la société civile a été arrêtée mercredi 29 août à son domicile. Elle est depuis détenue dans les locaux de la brigade de recherche de la Gendarmerie nationale au camp de Paspanga.
« Tentative de faire évader des détenus de la Maca »
Elle est « suspectée d’être le bras financier d’un groupe de personnes qui voulaient libérer des militaires retenus à la Maca [Maison d’arrêt et de correction des armées, ndlr] avec l’objectif de placer un militaire au pouvoir », explique son avocat, Me Silvère Kiemtarboum, qui précise que sa cliente « devrait être présentée devant le procureur ce [lundi 3 septembre au] soir, avant d’être déférée devant un juge. »
Après son audition du 3 septembre par un juge d’instruction, Safiatou Lopez a finalement été conduite à la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca).
Critique régulière et virulente de la gouvernance du président Roch Marc Christian Kaboré et de son gouvernement conduit par le premier ministre Paul Kaba Thieba, Safiatou Lopez avait notamment participé à une manifestation le 23 juin dernier à Ouagadougou.
Devant l’émotion suscitée par l’arrestation de la militante, notamment sur les réseaux sociaux, le 1er substitut du procureur, Harouna Yoda, a publié un communiqué de presse, vendredi, évoquant une « implication possible dans une tentative de faire évader des détenus de la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca) », où sont détenus les principaux accusés dans le procès du putsch manqué de 2015, dont le général Gilbert Diendéré. Le procureur assure par ailleurs que l’interpellation « s’est déroulée en présence de son avocat (et) a été faite dans le strict respect de ses droits et des règles gouvernant la matière dans le code de procédure pénale en vigueur. »
Arrêtée par une unité anti-terroriste
Une précision apportée trois jours après l’arrestation, qui s’explique par le flou ayant entouré l’intervention de la gendarmerie qui a conduit à l’interpellation de la militante. Mercredi 29 août, aux environs de 16 heures, une équipe de l’Unité spéciale d’intervention de la gendarmerie burkinabè (USIGN, une unité spécialisée dans la lutte anti-terroriste), effectue une descente musclée à la cité Azimmo, dans le quartier de Ouaga 2000.
« Des investigations avaient permis d’identifier un groupe qui devait passer à l’action dans l’objectif de déstabiliser le pays. Le cerveau, un civil, a été arrêté et ce sont les coordonnées de la source de financement qui ont conduit au domicile de Safiatou Lopez », confie à Jeune Afrique une source à la gendarmerie burkinabè, sous couvert d’anonymat.
Les forces de l’ordre n’auraient alors pas eu conscience de l’identité de la « source de financement » présumée. « L’USIGN avait une adresse, et il fallait intervenir rapidement. C’est sur place, une fois à l’intérieur, que les gendarmes se sont rendus compte qu’ils se trouvaient au domicile de Safiatou Lopez. »
L’intervention ayant été menée dans l’urgence, cela expliquerait qu’aucun mandat n’ait été brandit. « Le lourd dispositif déployé par l’unité montre à quel point c’était une menace considérée comme sérieuse. La gendarmerie a dû attendre par la suite un mandat pour les perquisitions, sur autorisation du procureur », insiste notre source.
Son avocat dénonce une « séquestration sans motif »
Me Kiemtarboum n’en démords pas. L’absence de mandat d’arrêt est une atteinte aux droits de sa cliente, selon lui. Il dénonce une « séquestration sans motif signifié » entre l’arrestation, mercredi, et la notifications des charges, samedi matin. Par ailleurs, l’avocat affirme que trois perquisitions ont été menées aux domiciles de l’activiste. Deux le 30 août, au domicile de Ouaga 2000 dans la matinée et dans la soirée du même jour dans une autre résidence de Safiatou Lopez, dans le quartier Bonheurville. La troisième ayant eu lieu vendredi après-midi « toujours sans mandat de perquisition », selon son avocat.
Me Kiemtarboum affirme par ailleurs qu’« aucun avocat n’a assisté à l’arrestation, qui a été faite le 29 août et non le 28 août comme dit le communiqué [du procureur, ndlr]. Ils ont purement et simplement tronqué les faits. Et Mme Lopez a été auditionnée pour la première fois le samedi 1er septembre, de 9 heures à midi, après que nous ayons exigé la notification des faits qui lui sont reprochés. »
Cette nouvelle affaire portant sur des soupçons de tentative de déstabilisation du pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré intervient quelques jours après la remise en liberté provisoire du colonel Auguste Denise Barry, un proche de Yacouba Isaac Zida, Premier ministre de la transition post-insurrectionnelle en exil au Canada. Denise Barry avait été inculpé et incarcéré début janvier avant sa remise en liberté la veille de l’arrestation de Safiatou Lopez, mardi 28 août.
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