René Décurey : « Air Côte d’Ivoire poursuit son offensive sur le continent »

Alliances avec d’autres transporteurs, renouvellement de sa flotte, augmentation du capital… La compagnie mène une vaste stratégie pour étendre son réseau à toute l’Afrique subsaharienne.

René Décurey projette de faire passer le chiffre d’affaires de Air Côte d’Ivoire à 98 milliards de F CFA d’ici à 2018. © Emilie Régnier/JA

René Décurey projette de faire passer le chiffre d’affaires de Air Côte d’Ivoire à 98 milliards de F CFA d’ici à 2018. © Emilie Régnier/JA

Publié le 8 octobre 2014 Lecture : 5 minutes.

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À la tête d’Air Côte d’Ivoire depuis mai 2012, le Suisse René Décurey est un fin connaisseur du ciel africain. Ce diplômé de l’École suisse d’aviation de transport a passé cinq années au poste de directeur du développement stratégique du Fonds Aga Khan pour le développement économique, où il a participé au lancement d’Air Burkina, d’Air Mali et d’Air Uganda. Ce polyglotte, qui maîtrise aussi bien l’allemand et le français que l’anglais ou l’italien, fait un point sur la montée en puissance d’Air Côte d’Ivoire sur le continent.

Propos recueillis par Baudelaire Mieu

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Jeune Afrique : Air Côte d’Ivoire envisage des alliances pour renforcer ses dessertes. Où en sont vos discussions avec Kenya Airways ?

René Décurey : Nous avons décidé, avec Kenya Airways, de mettre en place un partage de code croisé, c’est-à-dire la possibilité pour eux d’opérer sur nos vols en Afrique de l’Ouest et pour nous sur leurs vols depuis Nairobi. Pour cela, nous avons besoin de la certification IOSA, que nous devrions obtenir fin novembre. Nous comptons également intensifier notre partenariat avec Air Burkina, qui commence à renouveler sa flotte en remplaçant ses appareils McDonnell par des Embraer 170. Nous prévoyons aussi une coopération avec Arik Air, qui nous permettra de desservir le Nigeria et leur donnera la possibilité de rayonner sur l’Afrique de l’Ouest. Enfin, nous souhaiterions signer un accord avec la compagnie congolaise ECAir pour opérer sur l’Afrique centrale.

Votre actionnaire Air France a annoncé vouloir soutenir la création de Congo Airways. Cette nouvelle compagnie risque-t-elle de vous faire de la concurrence ?

Non. Au contraire, notre objectif est d’offrir le réseau le plus large possible à nos clients. Coopérer avec la future Congo Airways pourrait nous être très profitable.

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Vous aviez annoncé une augmentation de capital, qu’en est-il aujourd’hui ?

Notre capital s’élève actuellement à 25 milliards de F CFA [38 millions d’euros]. Nous souhaitons le faire passer à 65 milliards. L’État a déjà fait une avance de 15 milliards, et 5 autres milliards devraient être débloqués d’ici à la fin de l’année. Nos actionnaires Air France et Golden Road – qui réunit des industriels ivoiriens – accompagneront cette augmentation de capital, qui est de notre point de vue suffisante pour le financement de notre plan d’affaires.

Nous poursuivons les discussions avec les institutions privées et publiques pour l’ouverture de notre capital. La Banque ouest-africaine de développement[BOAD] vient tout juste de participer à l’augmentation de notre capital à hauteur de 2 milliards de F CFA.

L’objectif de 100 milliards de F CFA de chiffre d’affaires sera-t-il tenu ?

Ce chiffre est compris dans notre plan d’affaires. D’ici à 2018, nous prévoyons précisément un chiffre d’affaires de 98 milliards de F CFA. Concernant le taux de remplissage, notre objectif pour 2014 est de 400 000 passagers. Cet objectif n’est bien sûr réalisable qu’à condition qu’Ebola ne nous pénalise pas plus en prenant des proportions incontrôlables dans la durée. Au premier semestre 2014, nous avons eu un taux moyen de remplissage de 62 %. En début d’année, il était plus faible, puis a atteint plus de 70 % en mai. Les mois de juillet et août sont nettement au-dessus de 70 %.

Justement, quelles sont les conséquences d’Ebola sur Air Côte d’Ivoire aujourd’hui ?

Nous avons suspendu les vols vers les trois pays affectés par l’épidémie [la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia] sur recommandation du gouvernement. Ces trois destinations ne représentent pas pour nous des marchés très importants, les conséquences économiques ne sont donc pas encore graves. Malgré cela, nous espérons que la situation pourra se normaliser d’ici au mois de novembre ou décembre.

Air Côte d’Ivoire a pour stratégie d’étendre progressivement son réseau sur toute l’Afrique subsaharienne. Quelles seront les nouvelles destinations desservies en 2015 ?

Tout d’abord, nous espérons reprendre très rapidement les vols vers Freetown, Monrovia et Conakry, puis, à partir de novembre, nous prévoyons d’ouvrir des lignes vers Nouakchott et Lagos. En 2015, nous devrions démarrer les vols vers Abuja, Bangui et Luanda.

Votre compagnie dispose-t-elle des appareils nécessaires à son expansion ou prévoyez-vous de renforcer votre flotte ?

Pour le moment, nous volons avec trois Airbus A319 et un Embraer 170. Fin septembre, nous réceptionnerons un premier Bombardier Q400 neuf pour les vols domestiques, et un second complétera notre flotte fin octobre pour renforcer notre présence régionale. Nous terminerons ainsi l’année 2014 avec une flotte de six avions. La livraison de deux autres appareils est prévue en avril 2015, et celle d’un troisième en avril 2016. Nous aurons neuf avions en 2016. Nous pouvons ainsi affirmer avec certitude que le réseau, le chiffre d’affaires et la flotte sont en parfait accord avec les objectifs.

Vous aviez annoncé les vols domestiques avant la fin de l’année 2014, respecterez-vous le début du calendrier ?

Nous démarrerons les vols commerciaux le 20 octobre pour les villes de San Pedro, Bouaké et Korhogo. Le recrutement du personnel technique a commencé. Début 2015, une fois la piste d’Odienné goudronnée et l’aéroport de Man réhabilité, nous ajouterons ces deux importantes dessertes à notre réseau. Viendront ensuite les lignes vers Bouna, Bondoukou et Daloa, mais les infrastructures aéroportuaires de ces villes doivent encore être mises à niveau. Au total, nous couvrirons huit destinations en Côte d’Ivoire.

Pensez-vous que les dessertes domestiques pourront générer des bénéfices ?

Aucun réseau domestique ne génère des bénéfices, à part peut-être aux États-Unis, grâce à l’étendue et au volume du trafic. Il n’est donc pas prévu que les vols intérieurs soient excédentaires. D’ailleurs, nous avons un accord avec le gouvernement, qui a accepté de subventionner les lignes domestiques… Nous considérons ces liaisons comme un service public. C’est en quelque sorte la contribution d’Air Côte d’Ivoire au développement du pays. La création de la compagnie ne répond pas uniquement à des objectifs économiques, mais vise aussi à permettre à la Côte d’Ivoire de devenir une nation émergente d’ici à 2020. En revanche, nous entendons réduire au minimum les pertes.

Quel regard portez-vous sur l’ouverture du ciel africain ?

Avec la libéralisation du ciel africain, toutes les compagnies qui ont ratifié l’accord de Yamoussoukro peuvent atterrir à Bamako, Cotonou ou Abidjan. Egypt Air peut décoller du Caire, embarquer des passagers à Accra avant d’arriver à Abidjan et faire le même trajet en sens inverse. En revanche, la réciproque n’est pas vraie pour les compagnies ouest-africaines, car notre taille ne nous permet pas de couvrir la totalité du continent. Résultat, les gros pavillons d’Afrique du Nord, de l’Est ou du Sud sont les seuls à réellement profiter de l’ouverture du ciel.

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