Compte à rebours

À l’approche de la présidentielle du mois de mars, la contestation se développe et les signes de nervosité se multiplient.

Publié le 29 janvier 2007 Lecture : 4 minutes.

Les Mauritaniens vivent une période de leur histoire sans précédent, très différente en tout cas de l’euphorie qui a suivi l’indépendance du pays. En 1960, tous étaient unis derrière Mokhtar Ould Daddah. Mais après dix-huit ans d’exercice solitaire du pouvoir, le « Père de la nation » a été renversé en 1978. Ce sera le premier d’une longue série de coups d’État militaires, jusqu’à l’arrivée du colonel Ely Ould Mohamed Vall, le 3 août 2005. Très vite, celui-ci promet de remettre la démocratie sur les rails et s’engage, à l’issue d’une période de transition de vingt-quatre mois (ramenée ensuite à dix-neuf), à céder le pouvoir à un civil élu de manière transparente et libre.
Aujourd’hui, le compte à rebours a commencé avec l’annonce du calendrier électoral. Le 26 janvier, publication par le Conseil constitutionnel de la liste « provisoire » des candidats. Cinq jours plus tard, après examen des contestations éventuelles, transmission de la liste « définitive » au gouvernement. Le 9 février, publication de ladite liste. Le 23 du même mois, ouverture de la campagne électorale. Le 11 mars, premier tour de la présidentielle. Le 25, second tour éventuel. Si tout se passe comme prévu, on connaîtra alors le nom du septième président de la République, qui disposera d’un mandat de cinq ans, renouvelable une fois.
Ce scrutin présidentiel ne devrait guère ressembler aux précédents. D’abord, parce que l’administration est, en principe, tenue à une stricte neutralité. Ni l’auteur du putsch de 2005, devenu président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) et chef de l’État en exercice, ni les membres du gouvernement de transition ne sont autorisés à être candidats. Certains ont passé outre, mais ont dû démissionner. C’est notamment le cas de Zein Ould Zeidane, le gouverneur de la Banque centrale, qui se présente comme « indépendant ».
Ensuite, en raison de la multiplication des candidatures. On trouve parmi eux un ancien chef de l’État putschiste, plusieurs anciens ministres, des opposants irréductibles ou de fraîche date, des indépendants vrais ou faux Onze avaient déposé leur candidature le 24 janvier et quatre autres s’apprêtaient à le faire. Pactes et alliances se nouent et se dénouent devant des électeurs ébahis. Certains vont jusqu’à appeler le président de la transition à renier sa promesse : s’il se présentait, il écraserait – démocratiquement, bien sûr – tous les autres candidats.
Mais il en va de la crédibilité de la Mauritanie de respecter le calendrier prévu, comme elle l’a d’ailleurs fait jusqu’à présent : référendum constitutionnel (25 juin 2006), législatives et municipales (novembre-décembre) et, tout récemment, sénatoriales. L’élection de la deuxième Chambre du Parlement par les 3 688 conseillers municipaux a confirmé la montée en puissance des « indépendants » et des femmes. Lors du premier tour, le 21 janvier, 23 des 38 sièges attribués l’ont été aux premiers (60,5 %) et 6 aux secondes (15,8 %). Le second tour aura lieu le 4 février pour les 15 sièges restant à pourvoir. Enfin, les 53 sénateurs élus choisiront les titulaires des trois derniers sièges parmi les candidats issus de la diaspora. Ce sera l’avant-dernière étape du processus.
Sans doute est-il temps que celui-ci se termine, car des signes de contestation et de nervosité commencent à apparaître. Le gouvernement de transition est, par exemple, accusé de soutenir plus ou moins discrètement les candidats « indépendants ». Et les hommes d’affaires de financer des achats de voix. Les étudiants descendent dans la rue pour réclamer une amélioration de leurs conditions de vie, tandis que les bouchers en grève exigent de meilleures infrastructures d’abattage
Tout est donc encore loin d’être parfait dans ce pays qui, bien qu’il vienne de faire son entrée dans le club des pays exportateurs de pétrole, manque encore de tout. Fantasmant sur la manne pétrolière, les Mauritaniens constatent que leurs conditions de vie ne s’améliorent que très – trop – lentement. Certes, des augmentations de salaires sont intervenues et la volonté de réformer les structures et les habitudes héritées du passé est indéniable. Mais cela se ressent davantage sur les comptes de la nation (croissance, budget, exportations, investissements) que sur ceux des citoyens.
Pourtant, le gouvernement est loin d’être inactif. Il a, par exemple, remplacé le gouverneur de la Banque centrale et le patron de la Société nationale industrielle et minière (Snim), premier employeur du pays après l’État, annoncé la construction d’un centre d’affaires dans la capitale, libéralisé le marché des changes (bon signe : le cours de l’ouguiya est resté stable par rapport au dollar). Mais rien n’y fait. C’est dommage, parce que les choses bougent dans le bon sens. Et les investisseurs étrangers, notamment les banques françaises (voir encadré), ne s’y trompent pas.
La production pétrolière va sans nul doute bénéficier de la mise en exploitation et de la découverte de nouveaux gisements. Elle devrait passer de 37 000 barils/jour actuellement à 150 000 b/j en 2010. Le prix du minerai de fer, dont la Mauritanie exporte 11 millions de tonnes par an, a par ailleurs doublé, passant de 20 dollars à plus de 40 dollars la tonne.
Reste qu’à côté de ces perspectives économiques intéressantes, la Mauritanie est confrontée à d’énormes défis : alphabétisation des adultes, formation de cadres qualifiés, accès à l’eau, à la santé et à l’assainissement pour la majorité des citoyens, nutrition des enfants, justice et bonne gouvernance Les promesses électorales ne vont sûrement pas manquer au cours des prochaines semaines. Espérons qu’elles ne se limiteront pas à des généralités.

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