Belaïd Abrika

Figure de proue de la contestation kabyle

Publié le 29 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

La dernière fois que Belaïd Abrika (38 ans) a eu affaire à un coiffeur, c’était le 13 octobre 2002 au tribunal de Tizi-Ouzou, une semaine après son arrestation. Règlement carcéral oblige, le barbier de la prison avait été chargé de couper la longue tignasse et la barbe hirsute qui donnent au délégué des arouch (comités de villages kabyles) un faux air de Jésus-Christ. Et ont largement contribué à sa célébrité. « J’ai résisté avant de céder aux geôliers, dit-il. C’était une question de nif. » Chez les Kabyles, « nif » signifie à la fois honneur et orgueil.

Abrika était à l’époque fiché par la police algérienne comme dangereux activiste. Une centaine de chefs d’inculpation – notamment rébellion, trouble à l’ordre public et atteinte à la sûreté de l’État – avaient été retenus contre lui. Il a passé dix mois en prison et observé pendant quarante-deux jours une grève de la faim avant d’être libéré, en juin 2003, sur ordre du gouvernement. « Quand on milite pour les libertés démocratiques, la justice et les droits de l’homme, la prison est un passage obligé, elle ne fait plus peur », dit-il.
Ancien professeur d’économie en rupture de ban avec l’université, gauchiste notoire et militant acharné de la cause berbère, il s’était imposé comme un acteur incontournable du règlement de la crise qui affectait la Kabylie depuis les émeutes d’avril 2001. La violente répression qui s’était ensuivie avait fait 126 morts, plus de 5 000 blessés et plusieurs millions de dollars de dégât. La confrontation a officiellement pris fin le 25 janvier 2005, lorsqu’une délégation des arouch, conduite par Abrika a conclu avec Ahmed Ouyahia, l’ancien chef du gouvernement, un accord pour l’application de la « plate-forme d’El-Kseur », un ensemble de quinze revendications élaborées, quatre ans auparavant, par les représentants des villages et des communes kabyles. « Il y a un temps pour la guerre et un autre pour la paix. Nous sommes passés de la confrontation au partenariat avec le pouvoir », commente aujourd’hui Abrika.
Est-ce à dire que toutes les revendications ont été satisfaites ? « Pour dire la vérité, 90 % des engagements pris par l’État n’ont pas encore été tenus », reconnaît le leader kabyle. Hormis l’octroi aux victimes d’un vague statut de « martyr » encore que le terme n’ait pas été retenu par les négociateurs mandatés par le président Bouteflika – et le versement d’une indemnité de 1 million de dinars (10 600 euros) aux parents et aux familles, tout le reste demeure en jachère. Les auteurs et les commanditaires des assassinats courent toujours et les unités de la gendarmerie stationnées en Kabylie n’ont toujours pas été remplacées par des unités de la police nationale. Enfin, les autorités refusent obstinément de reconnaître le tamazight comme langue officielle, bien qu’en avril 2002, elles lui aient octroyé le statut de « langue nationale ».

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La question se pose donc : et si les accords de janvier 2005 n’avaient été qu’un marché de dupes ? « Le choix était simple, argumente Abrika. Continuer à refuser le dialogue aurait inévitablement conduit à envenimer la crise et à faire passer les délégués pour des irresponsables et des va-t-en-guerre. L’accepter revenait à mettre l’État algérien devant ses responsabilités. S’il renie ses engagements, il devra en assumer les conséquences. »
Hélas, tout le monde n’est pas de cet avis. Belaïd Abrika compte en effet d’irréductibles détracteurs. Tenue en suspicion par une partie de la population, la figure de proue de la contestation kabyle est aujourd’hui soupçonnée d’avoir bradé la Cause, voire de s’être laissé acheter par le pouvoir. « On dit que je roule en 4×4, que j’ai acheté des terrains et des appartements aux frais de la République, s’offusque-t-il. Mais je défie quiconque d’apporter le moindre commencement de preuve à ces accusations. »

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