Mayoro Racine : « Pour Sénégal Airlines, le dépôt de bilan est inenvisageable »

Malgré une situation financière critique, une difficulté à trouver des partenaires et une flotte réduite, le transporteur public veut croire à une issue favorable.

Selon Mayoro Racine, son directeur général, la dette de Sénégal Airlines pourrait être remboursée par un seul créancier. © Sylvain Cherkaoui/JA

Selon Mayoro Racine, son directeur général, la dette de Sénégal Airlines pourrait être remboursée par un seul créancier. © Sylvain Cherkaoui/JA

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Publié le 6 octobre 2014 Lecture : 4 minutes.

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Àson arrivée à la tête de Sénégal Airlines, en février 2014, Mayoro Racine a récupéré une compagnie nationale en grande difficulté, maintenue à flot par Dakar. Sept mois plus tard, il n’a toujours pas trouvé le partenaire stratégique pour aider le pavillon sénégalais à reprendre de la hauteur.

Selon la presse sénégalaise, Royal Air Maroc et South African Airways auraient décliné l’offre. Pour passer cette période difficile, la compagnie, qui dessert quinze destinations au départ de Dakar, essentiellement vers l’Afrique, a réduit ses ambitions en exploitant seulement deux avions. En exclusivité, Mayoro Racine apporte quelques précisions sur l’état de santé de Sénégal Airlines.

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Nous ne sommes toujours pas sortis de cette phase délicate que représentent les cinq premières années d’exploitation d’une compagnie.

Jeune Afrique : De quel mal souffre Sénégal Airlines ?

Mayoro Racine : Nous avons eu des moments difficiles en raison d’un ratio d’endettement important [dont le montant est tenu confidentiel], de certains choix stratégiques et de la conjoncture. En 2000, la décision de Yamoussoukro [qui a acté le principe du libre accès des transporteurs aériens africains aux liaisons interafricaines, ndlr] avait abouti à un contexte très compétitif.

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Quand Sénégal Airlines a vu le jour, en 2011, certains transporteurs avaient déjà amorti leurs investissements. Nous ne sommes toujours pas sortis de cette phase délicate que représentent les cinq premières années d’exploitation d’une compagnie.

Malgré une conjoncture difficile, nous avons tout de même transporté 300 000 passagers en 2013 et réalisé un chiffre d’affaires de 38 milliards de F CFA [58 millions d’euros].

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Quelles sont les causes de votre surendettement ?

Il résulte d’une conjonction de facteurs : une sous-capitalisation, à hauteur de seulement 16,5 milliards de F CFA, un contexte de libéralisation défavorable pour une « start-up » sous-capitalisée, et enfin un besoin en fonds de roulement excessif. Nous évoluons dans un domaine où les marges bénéficiaires sont très faibles : elles ne dépassent pas 4 % à 5 %.

Quels choix stratégiques vous ont été préjudiciables ?

On peut s’interroger sur le choix initial du réseau. La décision avait été prise de faire Dakar-Abidjan en vol direct plutôt que, par exemple, Dakar-Bamako-Ouagadougou-Cotonou. Cette politique n’a pas permis d’optimiser le taux de remplissage.

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L’américain Gecas a repris, en 2014, les trois appareils qu’il vous louait. Comment avez-vous géré cette situation ?

Les contrats de location avec Gecas arrivaient à terme au moment où Sénégal Airlines se trouvait dans le creux de la vague. Nous avons eu recours à des contrats revolving à court terme afin de maintenir l’activité. L’objectif étant de réduire provisoirement la voilure tout en maintenant la qualité du service.

Nous exploitons aujourd’hui deux avions : un Airbus A320 et un CRJ100 de cinquante places pour les vols domestiques et de voisinage. Et dès le mois d’octobre, nous exploiterons en plus un Bombardier Dash 8-Q400.

Où en est votre recherche de partenaires ?

Plusieurs compagnies auraient décliné… Je vous confirme que nous sommes en négociation avec des partenaires stratégiques potentiels. Les règles de confidentialité ne me permettent pas de vous en dire davantage.

Qu’attendez-vous de ces partenaires et qu’avez-vous à leur apporter ?

Nous bénéficions de droits de trafic qui nous permettent d’aller un peu partout à travers le monde. Mais nous ne pouvons pas tous les exploiter. D’autres compagnies, qui sont confrontées à un marché mature et qui ont besoin de développer leur trafic, seraient intéressées par cette opportunité. En retour, nous pourrions bénéficier de leur expérience et de leur notoriété.

Y a-t-il un risque, si cette recherche n’aboutit pas, que Sénégal Airlines dépose le bilan ?

Ce n’est pas envisageable. Notre dette ne représente rien par rapport à celle d’autres compagnies. Il suffirait d’un seul créancier pour résoudre ce problème.

Le président de la République a décidé d’aider cette compagnie car elle […] s’inscrit dans un plan de relance beaucoup plus vaste de l’économie sénégalaise.

Quel rôle l’État entend-il jouer pour éviter cette issue funeste ?

Le président de la République a décidé d’aider cette compagnie car elle représente un levier d’intégration qui s’inscrit dans un plan de relance beaucoup plus vaste de l’économie sénégalaise.

Des investissements importants ont déjà été réalisés concernant les infrastructures, puisque le Sénégal s’apprête à inaugurer, en juillet 2015, l’aéroport international Blaise-Diagne, l’un des plus importants d’Afrique de l’Ouest, à Diass (40 km au sud de Dakar). Dans sa phase initiale, ce dernier pourra accueillir 3 millions de passagers, avec un potentiel, à terme, de 10 millions.

Un aéroport vit de taxes et de redevances, lesquelles sont liées à la fréquence des mouvements. Ce n’est pas le vol quotidien d’une compagnie intercontinentale qui permettra de rentabiliser un investissement aussi colossal. C’est avec une fréquence de 200 ou 300 vols quotidiens que Sénégal Airlines pourra contribuer à cet amortissement.

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