Vive la France !

Publié le 28 novembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Imaginons que vous soyez Français, ou résident français, ou amoureux de la France (ce qui est mon cas, sur les trois options…).
Vous venez de vivre des moments difficiles. Les banlieues des grandes villes ont pris feu, des « jeunes » (nom de code pour enfants d’immigrés) ont brûlé des voitures, mais aussi des écoles. On compte deux victimes innocentes, des centaines d’arrestations, des gens en état de quasi-expulsion. Nous sommes bientôt en 2006, une loi d’exception datant de la guerre d’Algérie est de nouveau en vigueur. Les grandes avenues chic, enguirlandées, sont envahies par les touristes et les Parisiens fortunés. Dans les restaurants branchés, les « jet-setteurs », les « médias people », habillés Versace ou Dolce & Gabbana, refont le monde comme s’ils vivaient ailleurs. Les riches râlent sur leurs impôts et émigrent à Bruxelles, nouvelle zone franche de la France très, très bourgeoise, pendant que les smicards essayent de comprendre la dure loi du capitalisme, qui fait que les licenciements, en général, font monter le cours des actions en Bourse… Les intellectuels s’interrogent sur le déclin de la France. Une belle affaire d’ailleurs que ce déclin, il se vend bien en librairie et à la télévision…

Pendant ce temps, le vieux président s’apprête à vivre une longue fin de règne de deux ans. Il n’a plus rien à prouver, il a perdu toutes les batailles ou presque, il ne peut que survivre. Dans son camp, ambiance remarquable. Les héritiers se déchirent. Le premier d’entre eux parle de « rupture », bien que lui-même soit là, dans les allées du pouvoir, depuis déjà deux bonnes décennies. L’autre, presque au sommet de l’État, carriériste de carrière, n’a jamais été élu, mais il fait de beaux livres (et de belles phrases).
Dans le camp d’en face, celui d’une alternative théoriquement possible, la situation est enthousiasmante. Chez les socialistes, on n’est d’accord sur rien. On ne sait plus très bien s’ils sont partisans de l’immobilisme, du changement, de la marche en avant ou de la marche en arrière, ou de tout en même temps. Ce qui est sûr, c’est que dans un bel élan, tous les chefs veulent être chef, et que, eux aussi, ils sont tous là depuis un bail.

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Tout cela n’est pas bien grave, puisque de nombreux Français ne croient plus aux institutions, aux médias, à l’administration, aux partis. 25 % d’entre eux préfèrent la voie des extrêmes, de gauche ou de droite. Et la grande majorité des autres estiment que le pays est ingouvernable, ce qui n’est pas plus mal. Pas de décisions, donc pas de sacrifices…
On pourrait sonner le tocsin. Mais il y a un véritable génie français. Malgré l’immobilisme, et l’égoïsme, la France fonctionne cahin-caha, elle innove encore un peu, elle travaille (plus que beaucoup d’autres Européens, c’est dans les statistiques), elle investit (un miracle, compte tenu de la fiscalité). On y vit plutôt mieux qu’ailleurs. Et on y fait encore beaucoup d’enfants…
Voilà, le petit miracle : dans une étonnante alchimie, la France se déglingue tout en se tenant debout.

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