Algérie : le ministre de la Santé fragilisé après une série de couacs

Arrivé au ministère de la Santé en mai 2017, Mokhtar Hasbellaoui a depuis rencontré de nombreuses difficultés dans la gestion des crises du secteur. De quoi l’isoler politiquement ?

Le ministre de la Santé Mokhtar Hasbellaoui, lors d’une conférence de presse en septembre 2018. © Capture écran YouTube/El Djazairia One

Le ministre de la Santé Mokhtar Hasbellaoui, lors d’une conférence de presse en septembre 2018. © Capture écran YouTube/El Djazairia One

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Publié le 6 septembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Maladresse. Interpellé lors d’une conférence de presse mardi 4 septembre, sur le cas d’une enseignante de l’université d’El Oued décédée d’une piqûre de scorpion dans le sud de l’Algérie, le ministre de la Santé, Mokhtar Hasbellaoui, a nié toute mauvaise prise en charge. Tous les moyens humains et matériels étaient réunis, a-t-il affirmé, à la suite des dénonciations formulées par la famille de la victime.

« Le monde animal est un monde qui est gentil. En fait l’homme ne fait pas de mal à l’homme. L’animal fait du mal à l’homme quand il est menacé », a déclaré le ministre. « Nous avons oublié que l’essentiel est que nous devons vivre avec notre environnement et parfois l’environnement est hostile. Je pense qu’un travail doit être fait pour étudier le comportement des scorpions parce que comprendre le comportement de l’animal va nous permettre de prévenir un certain nombre d’accidents », a-t-il poursuivi.

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Mouvement de protestation

Des paroles qui ont été très mal reçues par les Algériens, encore secoués par la récente épidémie de choléra, officiellement « maîtrisée » le 4 septembre. Le Conseil national des enseignants du supérieur (CNES) a dénoncé « des déclarations choquantes et irresponsables ». Selon le CNES, le ministre aurait implicitement accusé l’enseignante d’avoir « elle-même provoqué le scorpion ». Un discours qui a poussé le Conseil à préparer un mouvement de protestation national, dont la date et les détails restent à communiquer.

L’universitaire décédée, Aïcha Aouissat, a été hospitalisée pendant dix jours à l’hôpital de Med Boudiaf à Ouargla, dans un état critique, avant de sombrer dans le coma. La famille de la victime ne cesse de critiquer sa prise en charge. L’hôpital Med Boudiaf aurait été dans l’incapacité de trouver les médecins spécialistes adéquats pour soigner la malade. Un problème récurrent dans les régions du Sud et des Hauts Plateaux, qui constituent souvent des déserts médicaux.

Cependant, selon le docteur Djamel Maamrin, épidémiologiste à la Direction de la santé et de la population de Ouargla, il s’agit plutôt « d’une complication et non d’une négligence », a-t-il indiqué au quotidien algérien El Watan. « La victime a été hospitalisée suite à un arrêt cardiaque provoqué par une piqûre de scorpion, l’équipe de réanimation a réussi à la récupérer mais le pronostic vital était engagé vu le diagnostic d’une atteinte cérébrale dès le premier jour », a-t-il expliqué.

Un silence critiqué

Le ministre n’en est pas à sa première sortie médiatique ratée. Lors du déclenchement de l’épidémie de choléra le 7 août dernier, son ministère avait déjà été accusé de négligence, se gardant dans un premier temps de déclarer l’épidémie.

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Mokhtar Hasbellaoui est lui resté silencieux au début de la crise, confiant au directeur de la prévention le soin d’annoncer l’épidémie. Il a fallu attendre le 27 août pour une première déclaration, date à laquelle il s’est rendu à Blida pour une conférence de presse. Toutefois, le ministre a déclaré qu’il ne répondrait qu’à deux uniques questions. « Je suis prêt à répondre à deux questions seulement, n’oubliez pas qu’on a du travail et il faut libérer tous les responsables et médecins présents avec nous dans la salle, vous savez très bien qu’il y a urgence ! », a-t-il affirmé. Il avait néanmoins assuré que le choléra serait « éradiqué dans trois jours ». Une déclaration sans doute trop rapide, la crise n’ayant été maîtrisée que le 4 septembre.

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Grève des médecins résidents

L’année écoulée a également été marquée par un mouvement de grève des médecins résidents poursuivi pendant sept mois. Une persistance due au refus de négociation du ministère, qui exigeait la fin de la grève avant toute discussion.

« Je ne suis au courant de rien. Je suis coupé du monde », avait répondu le ministre en mai dernier, interrogé à ce sujet par des journalistes devant les membres du Conseil de la nation.

En juin, le Collectif autonome des médecins résidents (Camra) avait annoncé une suspension de la grève, en réponse aux demandes du ministre. Seulement depuis, leurs revendications n’ont pas été satisfaites.

De manière générale, la solidarité gouvernementale entre ministres ne fait pas partie des habitudes politiques en Algérie

Un ministre isolé ?

Pour ce professeur en médecine sans expérience politique et militante, les soutiens des partis n’ont pas afflué.

L’épidémie de choléra, qui reste une responsabilité interministérielle, concerne pourtant aussi bien le ministère de l’Agriculture que le ministère des Ressources en Eau. Le ministre de la Santé a essuyé majoritairement seul les accusations de mauvaise gestion de la crise. « De manière générale, la solidarité gouvernementale entre ministres ne fait pas partie des habitudes politiques en Algérie », explique à Jeune Afrique Nacer Djabi, sociologue algérien.

« Mokhtar Hasbellaoui est un technocrate qui n’a jamais fait partie d’un mouvement étudiant ou encore d’un parti, il ne maîtrise donc pas la communication gouvernementale. À l’instar de ses confrères, il pense avoir uniquement des comptes à rendre au président, et pas à la population. De plus il ne maîtrise par l’arabe, ce qui constitue un frein supplémentaire », conclut-il.

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