Modali, artiste éclectique

Publié le 28 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Quand on pénètre dans son agence, boulevard du Karthala, dans le quartier Hadoudja, en plein coeur de Moroni, il vous accueille le sourire aux lèvres. À le voir, on imagine mal que la notoriété de ce personnage plutôt discret va bien au-delà des frontières de son pays. Pourtant, les oeuvres de Mohamed Ali, dit Modali, l’un des peintres les plus talentueux des Comores, sont exposées et vendues à la Réunion, en France métropolitaine, à Maurice… et même jusqu’en Namibie.
Dans son local, pas de toiles mais des photos. Car, quand il ne peint pas et n’enseigne pas les arts plastiques à l’École française de Moroni, Modali s’occupe de son agence de communication Kalam. À son actif, diverses brochures, posters et photos qu’il réalise pour des sociétés privées et des organismes internationaux dont il conçoit les campagnes de communication. Il a même réalisé une carte de la Grande-Comore, reproduite à l’aquarelle. Un vrai travail d’artiste, que l’on s’arrache à Moroni.

Sa passion pour les arts remonte à l’enfance. « Quand j’avais 10 ans, je prenais un carton, j’y faisais un trou et à l’aide d’une lampe de poche, j’animais des ombres chinoises », confie Modali, un brin de malice au fond des yeux. Modali a été formé aux écoles des beaux-arts de Tours et de Rennes, en France. Ce qui le situe dans la nouvelle génération des peintres comoriens, la première vague, représentée par Moussa Saïd, comptant principalement des autodidactes. Après ses études en France, il retourne aux Comores en 1990.
Ce plasticien confirmé, âgé de 46 ans, peint essentiellement sur de la toile de jute, en particulier sur des sacs de riz, car « ils ont toute une histoire. J’aime l’idée du voyage qu’ils renferment », confie-t-il. Ses thèmes favoris sont les hirizi (talismans ou amulettes) qu’il emprunte aux mwalimu (devins-guérisseurs) de son pays. C’est auprès de son grand-père paternel, l’un des mwalimu les plus réputés de Grande-Comore, qu’il a été initié à ces signes ésotériques que l’on retrouve sur la plupart de ses tableaux. Mais il ne les utilise pas comme tels. « Ces signes me permettent d’atteindre d’autres choses, de trouver d’autres chemins. D’explorer d’autres modes d’expression. Certes, je fais de la peinture abstraite, mais je n’aborde pas les thèmes des peintres occidentaux. Je veux faire savoir qu’aux Comores nous avons des choses à dire et que nous avons notre manière à nous de voir le monde », insiste-t-il.

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Dans chacune de ses oeuvres, qui s’érigent en talismans protecteurs, dominent les tons ocre et rouges, ceux « du bois que sculptent les artisans et ceux du sable sur lequel travaille le guérisseur », explique Modali. Plus récemment, il a introduit le bleu, couleur du ciel et de la mer !
Modali travaille par thèmes. Parmi ses toiles les plus célèbres figurent Métamorphose, Au bout de la nuit, Fascination ou Trou de miroir. Des tableaux qui se vendent jusqu’à 2,5 millions de FC.
Parfois le plasticien range ses pinceaux, son appareil photo et ses crayons pour le théâtre. C’est ainsi que Modali a fait son entrée sur la scène comorienne en novembre 2000 avec Kutu-Kutu, sa première pièce, conçue à l’image de ses tableaux. Un conte qui entraîne les spectateurs à la recherche de M’haza, une femme imaginaire que l’on apprend à connaître sans jamais la voir.
Éclectique dans l’âme, ce plasticien n’est pas le seul ambassadeur de l’art pictural comorien. Parmi ceux qui partagent sa passion, Ibrahim Saïd Bacar utilise aussi bien l’aquarelle, l’acrylique que la peinture à l’huile. C’est également le cas de Soulé Ali, le frère cadet de Modali. Contrairement à son aîné, Soulé n’a pas fréquenté d’école de beaux-arts. Mais comme son aîné, il privilégie l’art abstrait. Son travail fait la part belle aux signes, ces mêmes signes mystérieux qui fascinent son frère et grâce auxquels sorciers et devins des îles de la lune scrutent le présent et interprètent l’avenir.

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