Pour redynamiser l’agriculture africaine, l’Agra plaide pour le retour de l’État
C’est un véritable guide pour les gouvernements qu’a produit l’Alliance pour une révolution verte en Afrique. Constatant l’insuffisante productivité du secteur, et pointant une libéralisation inadaptée menée dans les années 1980, cette étude recommande le retour des États dans les politiques agricoles.
Selon l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui signe l’introduction du rapport, c’est un véritable « manuel » à l’usage des gouvernants que Alliance for a Green Revolution in Africa (Agra – Alliance pour une révolution verte en Afrique) a publié le 5 septembre.
Une libéralisation inadaptée
Lancée en 2006 par les fondations Rockefeller et Bill & Melinda Gates, l’objectif de l’Agra est d’aider les petits agriculteurs à accroître la productivité de leur exploitation et leurs revenus.
Dans son rapport, l’Alliance constate que, malgré un mieux, la productivité agricole et l’amélioration du sort des agriculteurs africains – et en particulier, celle des petits exploitants qui fournissent 80 % du produit agricole – progressent trop lentement au regard de la croissance démographique du continent. La libéralisation des années 1980 n’a pas donné de résultats probants, car inadaptée aux spécificités de l’agriculture.
Cette étude souligne qu’une accélération des progrès suppose que les gouvernements soient au cœur de la transformation de leur agriculture. La tâche est immense, car il faut que ceux-ci élaborent une stratégie à long terme et agissent simultanément dans une multitude de domaines pour la mettre en œuvre : protection des droits de propriété, construction de routes, électrification rurale, recherche sur les semences et les modes de culture (un budget de 1 % du produit intérieur brut est préconisé), contrôle des engrais et des pesticides, construction de stockages, renforcement des organisations d’agriculteurs, irrigation, régulation des marchés, redistribution de terres, aides à la mécanisation, financements bancaires adaptés, code d’investissement attractif pour les investissements étrangers, fiscalité simple et protectrice, connexion des petits producteurs avec les chaînes de valeur et de transformation.
Pour y parvenir, pas d’autre solution que de mettre plus d’argent dans l’agriculture. En Afrique, le secteur agricole représente 61 % des emplois et 25 % du produit intérieur brut (PIB), mais moins de 10 % des dépenses budgétaires des États lui sont destinés. Entre 1980 et 2015, seuls quatre pays ont dépassé le niveau de 10 % : le Malawi, l’Éthiopie, le Niger et le Burkina Faso.
L’exemple éthiopien
Pour donner envie aux gouvernants de s’atteler à ce chantier gigantesque, le rapport analyse la réussite de l’Éthiopie. Sous la direction du Premier ministre Meles Zenawi, le gouvernement éthiopien a porté les dépenses en faveur du monde agricole à 10 % du budget, ce qui a permis de construire des routes et de développer les services, l’éducation et la santé en zones rurales, de mettre au point des semences adaptés aux conditions éthiopiennes.
L’Éthiopie montre les chemins que doit emprunter la volonté politique pour réussir la « révolution verte »
En 2010, l’Éthiopie comptait un technicien-vulgarisateur agricole pour 476 fermiers quand le ratio en Tanzanie était d’un pour 2 500. En 2017, elle disposait de 15 000 centres de formation agricole et de 72 000 techniciens vulgarisateurs. En 2004, 46 % de ses producteurs de céréales utilisaient des engrais ; en 2013, cette proportion a été portée à 76 %. La surface cultivée a augmenté de 28 % dans le même laps de temps.
Ces efforts ont payé. La production de grains qui était de 119 millions de quintaux en 2004 a été portée à 266 millions en 2015, soit une hausse de plus de 120 %. L’Éthiopie n’est certes pas l’Ukraine ou les grandes plaines américaines, mais elle montre les chemins que doit emprunter la volonté politique pour réussir la « révolution verte » qu’appelait de ses vœux Koffi Anna, l’ancien secrétaire général des Nations unies qui vient de décéder.
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