Le casse-tête électoral

La présidence doit revenir à un ressortissant d’Anjouan à partir d’avril 2006. Reste à savoir si le pays est prêt à assumer cette alternance.

Publié le 28 novembre 2005 Lecture : 4 minutes.

Partira ? Partira pas ? Alors que son mandat de quatre ans expire théoriquement en avril 2006, le président Azali Assoumani se veut ferme sur ses intentions, mais certains l’accusent d’entretenir le flou. La Constitution de décembre 2001, qu’il a fait approuver par référendum, prévoit en effet dans son article 13 une présidence tournante, d’île en île, pour l’Union des Comores. Elle précise aussi que le mandat n’est pas renouvelable. Fruit d’un laborieux compromis négocié entre le pouvoir central et les séparatistes anjouanais et parrainée par la communauté internationale, la Loi fondamentale comorienne, dont les imperfections sont aujourd’hui très critiquées, a été complétée par une loi organique, adoptée par l’Assemblée de l’Union le 25 juin 2005 après des débats animés. Cette loi, relative aux conditions d’éligibilité du président de l’Union, précise « qu’au terme du mandat en cours, exercé par Ngazidja (Grande-Comore), le tour revient à Ndzuani (Anjouan), et ensuite à Mwali (Mohéli) ». La procédure est quelque peu complexe. Les trois candidats arrivés en tête à la primaire, organisée à l’échelle de l’île appelée à assumer la présidence, sont qualifiés pour l’élection nationale. Et se présentent ensuite au suffrage devant les électeurs des trois îles et de la diaspora.
Mais le président Azali, originaire de la Grande-Comore, est soupçonné par ses adversaires, et par bon nombre de Comoriens, de vouloir se cramponner à son fauteuil. Arrivé au pouvoir après le coup d’État de salut public du 30 avril 1999 pour « remettre de l’ordre dans la maison » et pour régler pacifiquement la crise séparatiste, ce colonel, né en janvier 1959, avait d’abord annoncé qu’il ne briguerait pas de fonction élective à l’issue de la transition, avant de se raviser, et de se présenter à la présidentielle d’avril 2002. Il n’a cessé de déclarer, ensuite, qu’il voulait respecter la Constitution. Une position qu’il a encore réaffirmée lors de récentes interviews, dans les colonnes de J.A.I. ou sur les ondes de RFI. Toutefois, une partie de son entourage s’oppose à son départ, estimant que les conditions d’une élection libre et transparente à Anjouan ne sont pas réunies. Une thèse que le chef de l’État a reprise dans son discours de l’Aïd el-Fitr, le 4 novembre. Rappelant que les institutions de l’État n’avaient pas encore pu s’implanter à Anjouan, le président a évoqué les inquiétudes suscitées par la présidentielle, aussi bien dans la phase des primaires que dans la phase nationale.
De fait, l’île anciennement séparatiste est formellement rentrée dans le giron de l’Union, mais elle reste tenue d’une main de fer par le colonel Mohamed Bacar, le chef de l’exécutif insulaire, qui dispose de ses propres forces de gendarmerie – en réalité, une armée qui ne dit pas son nom. Cependant, certains se disent convaincus qu’Azali manoeuvre pour créer « des facteurs de blocage » et en tirer prétexte pour reporter les élections. « Faux », rétorque son conseiller en communication, Kaambi Roubani. Le chef de l’État est déterminé à organiser les élections dans le cadre de la présidence tournante, et dans les délais. Mais il faut que le scrutin ait lieu dans de bonnes conditions ; or jusqu’à présent la loi de la République ne s’est pas encore imposée à Anjouan. C’est pourquoi le chef de l’État demande l’implication directe de la communauté internationale dans l’organisation de ce scrutin. Étonnamment discrets jusqu’à présent, les pays partenaires, garants des accords de Moroni du 20 décembre 2003, sont invités à monter au créneau. Et à montrer leur engagement à stabiliser enfin un archipel qui se débat dans la crise depuis 1997.
Seize prétendants se sont déjà déclarés pour la primaire, et la liste est susceptible de se rallonger encore à mesure que l’échéance théorique – janvier 2006 – se rapproche. Mohamed Bacar a fait savoir qu’il ne se présenterait pas : il tient à achever son mandat de cinq ans à la tête de l’exécutif insulaire. Mohamed Abdou Madi pourrait défendre les couleurs de la Convention pour le renouveau des Comores (CRC), la formation du président Azali. Mohamed Caambi Elyachroutu, le vice-président de l’Union, qui appartient aussi à cette mouvance, est également partant, mais sans étiquette. Nassuf Ahmed Abdallah, fils de l’ancien président Ahmed Abdallah, assassiné en 1989 par les mercenaires, est aussi sur les rangs, de même que Ahmed Abdallah Sambi, un théologien islamiste formé en Iran. Mohamed Djaffar, député à l’Assemblée de l’Union, représentera la fibre ex-séparatiste, tandis que Loutfi Adinane, proche du président de Ngazidja Mzé Abdou Soulé El Bak, s’alignera pour le Parti comorien pour le développement et le progrès. Quant à l’ancien Premier ministre, Ibrahim Halidi, il se réclame du père de la révolution comorienne, Ali Soilihi (président de 1975 à 1978) ; il ira donc à la bataille, mais sans étiquette…

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