Nigeria : plus d’indépendance pour les États ? Un débat au cœur de la campagne

Le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec ses 180 millions d’habitants, est divisé en 36 États (et sa capitale, Abuja), dont les pouvoirs sont assez restreints en matière de redistribution financière ou de sécurité. Une situation sur laquelle l’un des prétendants à l’élection présidentielle a décidé de faire campagne.

Atiku Abubakar en janvier 2011. © Sunday Alamba/AP/SIPA

Atiku Abubakar en janvier 2011. © Sunday Alamba/AP/SIPA

Publié le 8 septembre 2018 Lecture : 3 minutes.

L’ancien vice-président nigérian Atiku Abubakar, qui est l’un des favoris pour la primaire du principal parti de l’opposition, le Parti démocratique populaire (PDP), a remis la question du fédéralisme, très controversée, au centre des débats.

« Pendant les dictatures militaires, l’armée a divisé le pays en de nombreux États (pour mieux les contrôler, ndlr) et il a concentré beaucoup de pouvoirs au sein du pouvoir fédéral », à Abuja, a-t-il expliqué lors d’une rencontre avec des journalistes internationaux.

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« Je pense, pour ma part, que nous devrions revenir aux principes du véritable fédéralisme : transférer plus de pouvoir et de ressources aux États en termes de sécurité, de santé et d’éducation ».

Selon Atiku Abubakar, âgé de 71 ans et généralement nommé Atiku au Nigeria, ces questions essentielles « seraient mieux abordées par des personnes plus proches du peuple que le gouvernement fédéral, qui est trop éloigné ».

Selon les chiffres officiels, en juillet, les 36 États et les administrations locales se sont partagés environ 656,6 milliards de nairas (1,8 milliard de dollars, 1,6 milliard d’euros) sur un budget national de 821,9 milliards de nairas.

Nord contre Sud

L’argent provient des revenus générés par les États eux-mêmes, mais est ensuite redistribué par Abuja : une situation qui déplaît aux Etats du Sud, commerciaux ou pétroliers qui se sont longtemps plaints de subventionner le nord, plus pauvre.

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L’émergence de groupes armés dans le sud producteur de pétrole a été largement alimentée par ces frustrations, et les militants séparatistes réclament régulièrement une gestion locale des revenus du pétrole et du gaz.

Le Nigeria, fondé par les colons Britanniques en 1914, rassemble plus de 500 ethnies, et il est fortement divisé entre un Nord musulman et un Sud majoritairement chrétien.

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« Il y a beaucoup de pays à l’intérieur de ce pays », comme l’explique M. Abubakar, qui fût le vice-président sous la présidence d’Olusegun Obasanjo, entre 1999 et 2007.

Mais pour le président Muhammadu Buhari, qui souhaite garder le soutien des gouverneurs du Nord, restructurer le pays n’est pas la priorité.

Son bras droit, Yemi Osinbajo a d’ailleurs répondu à Atiku dans une longue lettre publiée dans les journaux locaux, où il explique que le gouvernement fédéral, s’il est bien géré, garantit la bonne exécution des projets d’infrastructures et une meilleure surveillance de la corruption à l’échelle locale.

Pour M. Osinbajo, le programme d’Atiku reste « vague » et « mal pensé ».

Populaire

Atiku, originaire de l’État d’Adamawa, Etat pauvre du Nord, reconnaît que « cette proposition n’est pas populaire dans sa circonscription », mais cela le différencie clairement de ses autres concurrents pour la présidentielle, le président Buhari en tête, quasiment tous originaires du nord comme lui.

Cette promesse pourrait donc être un geste politique fort pour obtenir un soutien du sud, qui n’a pas toujours été enclin à soutenir les candidats musulmans haoussas.

La région comprend la mégapole de Lagos, capitale économique de 20 millions d’habitants et un champ de bataille électorale clé pour tout candidat à la présidence.

Le groupe de la société civile Afenifere, dans le sud-ouest yorouba du pays, a d’ailleurs appelé à une plus grande décentralisation.

« Quand le gouvernement fédéral nous parle de bonne gouvernance et promet des routes, ou de dynamiser le développement agricole, ça nous fait bien rire », a déclaré le leader d’Afenifere, Ayo Adebanjo, le week-end dernier.

« Encore faudrait-il avoir un pays (uni), avant que nous puissions connaître le développement », regrette-t-il.

Le Nigeria est déchiré par les problèmes de sécurité des jihadistes de Boko Haram dans le nord-est, des séparatistes du Biafra dans le sud-est, et de la violence entre les agriculteurs et les éleveurs dans les États du centre.

Sans restructurer ce géant économique et démographique, le Nigeria ne parviendra jamais à la paix et à la stabilité, selon lui.

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