Téhéran brouille les cartes
L’Iran, qui avait jusqu’au 22 août pour répondre à l’offre de coopération des Six (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne), va poursuivre son programme nucléaire. Le négociateur Ali Laridjani l’a fait savoir dans une longue lettre de 21 pages adressée aux grandes puissances, dans laquelle il explique que son pays est prêt à commencer immédiatement « des négociations sérieuses », mais où il exclut de suspendre ses activités d’enrichissement de l’uranium. Les Six, qui faisaient de cette renonciation à l’enrichissement du combustible la condition de l’ouverture d’un « grand marchandage » avec Téhéran (suspension en échange de mesures de coopération économique et nucléaire civil), ont réagi en ordre dispersé. Pékin et Moscou, opposés à l’usage de la force et à la logique des sanctions, ont jugé que l’offre iranienne constituait un pas dans la bonne direction. L’Allemagne a fait part de sa déception. Même son de cloche du côté de Washington. Embarrassés, soucieux de ne pas brusquer Européens, Russes et Chinois par des déclarations fracassantes, les diplomates américains ont cependant rappelé qu’ils soumettront rapidement un projet de résolution comportant des sanctions contre le régime des mollahs si le processus d’enrichissement de l’uranium n’était pas interrompu à la date butoir du 31 août.
Les Iraniens ont semé le trouble chez les Six. Personne n’est aujourd’hui capable de dire avec certitude s’ils ont réellement l’intention de négocier à leurs conditions, ou s’ils ne cherchent qu’à gagner du temps. Cette posture ambiguë va diviser les Occidentaux sur la marche à suivre. Les Américains, engagés depuis trois ans dans des négociations qui ne disent pas leur nom, sont à bout de patience et veulent passer à l’étape des sanctions : gel des avoirs des dirigeants, interdiction de voyager. Des mesures « light », mais qui pourraient en laisser présager de plus robustes, voire ouvrir la porte à une action militaire si l’Iran persistait dans son refus d’obtempérer. Les Européens, ébranlés par la victoire psychologique du Hezbollah contre Israël, rechignent plus que jamais à envisager l’option de la force, jugée aventureuse, et estiment que la solution au problème iranien passe par une combinaison de pressions et de diplomatie.
Il sera extrêmement difficile de parvenir à un consensus au Conseil de sécurité. Car Téhéran sait qu’il a marqué des points au Liban. Au lieu de s’effondrer, ses alliés chiites ont infligé de cuisantes pertes à Tsahal et donné une idée de leur capacité réelle de nuisance. Pendant la crise, l’Iran s’est vu reconnaître explicitement, pour la première fois (par la France), son rôle de puissance régionale. Les durs du régime sont persuadés qu’ils n’ont rien à craindre des sanctions et que le temps joue en leur faveur. Les Américains, enlisés en Irak, ne peuvent rien contre eux. Ils vont donc tout faire pour pousser leur avantage. À défaut d’un dialogue global et sans conditions, ils continueront dans leur cavalier seul nucléaire. Le président Mahmoud Ahmadinejad a programmé une conférence de presse juste avant l’échéance du 31 août. Et il se murmure à Téhéran qu’un « important succès des scientifiques atomiques » sera annoncé dans les tout prochains jours.
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