Yémen : « La France doit suspendre ses ventes d’armes à la coalition »
La relation stratégique entre la France et l’Arabie saoudite ne peut se développer au détriment de la paix et des droits de l’homme, analyse pour JA le député Bastien Lachaud, qui réclame avec plusieurs parlementaires la création d’une commission d’enquête sur les ventes d’armes.
Après l’échec des pourparlers de Genève, organisés sous l’égide des Nations unies, le Yémen s’enfonce encore un peu plus dans un conflit inextricable. Alors que l’ONU évoque des crimes de guerre, la coalition menée par l’Arabie saoudite suscite des critiques croissantes au sein même des pays qui la soutiennent militairement et politiquement.
En France, un groupe de parlementaires, dont fait partie le député Bastien Lachaud (La France insoumise), réclame ainsi la création d’une commission d’enquête sur les ventes d’armes.
Jeune Afrique : Où en est votre demande de création d’une commission d’enquête sur les ventes d’armes ?
Bastien Lachaud : Au même point. Elle est toujours sur le bureau de Marielle de Sarnez, présidente de la commission des Affaires étrangères, qui doit l’inscrire à l’ordre du jour. Tant que ce n’est pas le cas, elle ne peut pas être adoptée. Il y a clairement une absence de volonté de voir naître cette commission d’enquête, malgré la demande de députés de plusieurs groupes. Je n’ai constaté aucune inflexion avec le temps.
La dernière audition de la ministre des Armées Florence Parly devant la commission de la défense nationale en juillet a bien démontré qu’elle considérait qu’il n’y avait pas de sujet : « Les procédures sont respectées, la France respecte le traité de l’ONU sur le commerce des armes. » Fin de non-recevoir, aucun souci, aucun problème. Pire, on nous répond qu’on peut bien créer une commission, mais qu’elle se heurtera de toute façon au secret-défense. Toutes les ventes d’armes sont classées secret-défense en France, c’est un des rares pays démocratiques où le Parlement n’a pas son mot à dire sur les ventes d’armes. Il est totalement méprisé.
On se contente de nous expliquer qu’aucune de ces armes n’a pu servir au conflit au Yémen
Le rapport au Parlement sur les exportations d’armes existe pourtant.
Il est très lacunaire et imprécis. Nous savons que la France a livré pour près de 1,5 milliard d’euros d’armes aux Émirats et à l’Arabie saoudite en 2017, et accordé des licences pour 20 milliards d’euros, sans parler des 1,4 milliard de livraisons à l’Égypte. Il y a ensuite une ventilation par grandes catégories, mais nous ne savons rien du détail. Nous savons qu’on a vendu des chars et des avions pendant plusieurs années. Cela nous engage sur un maintien en conditions opérationnelles sur quinze à vingt ans.
On se contente de nous expliquer qu’aucune de ces armes n’a pu servir au conflit au Yémen. Ou qu’elles ne le sont qu’à des fins défensives. Mais les canons Caesar disposés sur la frontière ont une portée de 30 kilomètres. Ils peuvent être placés côté saoudien mais on ne sait pas où ils frappent. L’article 7 du traité sur les ventes d’armes stipule pourtant que la seule suspicion que les armes servent à commettre ou facilitent la commission de crimes de guerre doit empêcher toute vente d’armement. L’ONU a publié un rapport démontrant qu’il y avait des crimes de guerre. Donc toutes les ventes d’armes devraient être suspendues.
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