Où sont les médecins africains ?

Des recruteurs peu scrupuleux attirent les jeunes talents d’Afrique en Europe. Sans se soucier ensuite de ceux qui restent sur le carreau.

Publié le 28 août 2006 Lecture : 2 minutes.

« Il y a plus de médecins béninois exerçant en France qu’au Bénin », a martelé à plusieurs reprises le ministre français de l’Intérieur pour justifier son projet de loi sur l’immigration lors de sa tournée au Mali et au Bénin en mai dernier. Si l’on en croit le centre de recherche américain Center for Global Development (CGD), Nicolas Sarkozy a parlé un peu vite en terre africaine. Dans la première étude statistique exhaustive sur la migration des personnels de santé en Afrique qu’elle a réalisée, l’organisation montre, en effet, que 405 blouses blanches exercent au Bénin, contre 206 dans l’Hexagone

Détaillant, pour chaque pays d’Afrique, la part de médecins et infirmiers qui y sont nés et qui n’y résident plus ainsi que, pour chacun des pays occidentaux, le nombre de praticiens nés en Afrique et leur répartition par pays d’origine, l’enquête présente un intérêt majeur : relativiser quelques idées reçues qui alimentent régulièrement les polémiques européennes sur l’immigration et la fuite des cerveaux. On y apprend ainsi qu’en 2000 19 % « seulement » des médecins nés sur le continent – 28 % si l’on ne prend en compte que l’Afrique subsaharienne – exerçaient en Europe ou en Amérique du Nord. Des chiffres qui ne doivent cependant pas faire oublier la ponction que représentent toujours ces départs pour des pays qui ont bien besoin de leurs praticiens. À la même date, les États d’Afrique subsaharienne ne comptaient que 96 000 médecins pour près de 700 millions d’habitants, contre 205 000 pour 62 millions en France.

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L’autre force de la base de données du CGD est de montrer la disparité des situations d’un pays à l’autre. Ainsi, si 75 % des médecins nés au Mozambique travaillent aujourd’hui à l’étranger (tout comme 70 % des natifs d’Angola), seuls 5 % des Égyptiens et 14 % des Nigérians ou des Ivoiriens ont quitté leur pays. Une constante se dégage néanmoins : les pays les plus petits, les plus pauvres ou les plus instables sont, logiquement, les plus touchés par les départs.

Du côté des pays d’accueil, la France reste la première destination. En 1999, 23 494 médecins africains y exerçaient, originaires du Maghreb pour la plupart, contre 15 258 en Grande-Bretagne et 12 813 aux États-Unis.
Comme le souligne le think-tank français CAPafrique dans un décryptage de l’enquête, « certains résultats devraient susciter de nouvelles recherches », afin de répondre à des questions. Quels liens peut-on établir sur l’ensemble de l’Afrique entre l’état du système de santé et le départ des professionnels du secteur ? Pourquoi l’Égypte garde-t-elle presque tous ses médecins, alors que le Maroc, la Tunisie et l’Algérie les voient s’exiler massivement ?

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