Start-up de la semaine : au Sénégal, la fintech Wizall vise d’abord les entreprises

Lancée en 2015 comme plateforme de transfert d’argent, la jeune pousse sénégalaise Wizall a fait évoluer son modèle pour devenir un outil de mobile banking à part entière.

Sébastien Vetter et Ken Kakena, cofondateurs de Wizall. © Wizall

Sébastien Vetter et Ken Kakena, cofondateurs de Wizall. © Wizall

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Publié le 1 décembre 2018 Lecture : 5 minutes.

Sur le point de conclure une levée de plusieurs millions auprès de BCP, Wizall vient d’ouvrir sa filiale ivoirienne et se prépare à aborder les marchés malien et burkinabè. À l’origine de cette belle réussite, le Français Sébastien Vetter, ancien associé du cabinet de conseil digital Advise Consulting & Technology, et son associé congolais Ken Kakena, ex-consultant pour le même cabinet.

Tous deux ont accompagné plusieurs opérateurs télécoms dans le développement de leur activité de mobile money en Afrique de l’Ouest, avant de décider de se lancer à leur tour dans l’aventure. En 2015, ils mettent  donc Wizall sur les rails, une application qui propose des bons d’achat digitalisés et des opérations de transfert d’argent au Sénégal.

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Le coup de main de Total

Si les deux associés apportent plus de 200 000 euros pour ce lancement, ils reçoivent aussi un solide coup de main de Total, qui a investi dans l’affaire plusieurs millions d’euros.

« On voulait l’appui d’une grande chaîne, qu’il s’agisse d’un réseau pétrolier ou d’un opérateur. Mais Orange avait alors pris des parts dans Afrimarket, que l’on venait un peu concurrencer avec notre système de bons d’achat, on a donc choisi de s’approcher plutôt de Total. Ken Kakena les a rencontrés, et ils ont accepté d’entrer au capital de l’entreprise dès sa création, à hauteur de 30 % », relate Sébastien Vetter, directeur général de Wizall.

Né en France en 1975, ce dernier est passé par l’école de commerce parisienne ESCE avant de travailler dans les télécoms et l’informatique, puis de se lancer dans le conseil. C’est pour cette dernière activité qu’il a déménagé au Sénégal, il y a cinq ans.

Du B2C au B2B

En septembre 2017, la plateforme a évolué pour devenir « un véritable outil de paiement marchand, pour régler ses factures ou acheter du crédit », explique son cofondateur.

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Mais le consommateur final n’est plus la cible principale de l’entreprise, qui vise avant tout les entreprises, les ONG et les administrations, à qui elle propose une interface dédiée pour procéder à de très nombreuses opérations : versement de salaires, de bourses d’étude, d’allocations…

Atout non négligeable de ce modèle économique pour l’utilisateur final : les opérations de transferts sont gratuites

Ainsi, Wizall a décroché en octobre un contrat auprès d’un consortium de BTP sénégalais, qui utilise depuis ses services pour verser les salaires de ses employés. « Dans un premier temps, l’entreprise utilise le programme sous forme de test auprès de 1 500 salariés. Mais à terme, ce sont 2 500 personnes qui sont concernées », précise Sébastien Vetter.

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Atout non négligeable de ce modèle économique pour l’utilisateur final : les opérations de transferts sont gratuites. C’est au moment du dépôt de l’argent sur la plateforme, donc auprès des entreprises et organisations, que Wizall prélève sa commission.

Déploiement en Côte d’Ivoire

Cette réorganisation a permis une accélération importante de l’entreprise : alors que la plateforme gérait en septembre 2017 environ 200 000 euros en circulation et opérait 2 000 transactions par mois, elle gère aujourd’hui plus de 3 millions d’euros en circulation, pour 100 000 transferts par mois. Quant au chiffre d’affaires, il devrait passer de 150 000 euros en 2017 à 600 à 800 000 euros en 2018.

L’application a été installée 40 000 fois et l’entreprise compte une cinquantaine de clients business. Wizall a pu s’appuyer sur ces chiffres afin de rassurer les investisseurs et lancer une nouvelle levée de fonds de plusieurs millions d’euros auprès de BCP – qui devrait être officialisée le 4 décembre, a appris Jeune Afrique.

Si on avait campé sur notre idée de départ, on aurait fermé depuis longtemps !

Dans la perspective de cette levée de fonds, la start-up a pu lancer, le 28 novembre, les activités de sa filiale ivoirienne, dont Ken Kakena, jusque là en charge du marché B2B, a pris la direction générale. Actuellement hébergée dans les bureaux de Total, cette dernière s’installera bientôt dans ses propres locaux, au Plateau.

« Nous avons déjà une demi-douzaine d’employés et 1 200 points de vente – où il faut encore former les commerçants – et des contrats en perspective, notamment auprès d’une entreprise de 3 000 salariés », précise Sébastien Vetter, qui espère voir passer le nombre de ses collaborateurs – une trentaine actuellement – à 400 ou 500 d’ici deux ans.

Après la Côte d’Ivoire, viendront le Burkina Faso et le Mali, avant la fin du premier trimestre 2019. Et l’entreprise compte se déployer dans sept à huit pays avant la fin de l’année prochaine.

La régulation « pas si contraignante »

Interrogé sur la régulation sénégalaise, souvent pointée du doigt comme un blocage par les opérateurs de fintech actifs dans le pays, Sébastien Vetter est loin d’être aussi catégorique : « Même si elle pourrait encore évoluer ou être améliorée, la réglementation sénégalaise n’est pas préjudiciable à notre activité, et c’est même très bien qu’elle existe pour éviter les dérives. Mais il est vrai que c’était plus facile pour nous : notre expertise d’anciens consultants dans le secteur nous permet de maîtriser ce cadre juridique. »

L’entrepreneur reconnaît en revanche avoir dû affronter d’autres difficultés, qui ont mis à l’épreuve sa capacité d’adaptation : « Si l’on compare ce que l’on voulait faire, ce que l’on faisait au lancement de l’entreprise et ce que l’ont fait aujourd’hui, les différences sont criantes. Si on avait campé sur notre idée de départ, on aurait fermé depuis longtemps ! », s’amuse-t-il.

Outre le changement de modèle du B to C au B to B, l’entreprise a, par exemple, dû revoir sa communication pour l’adapter aux réalités du terrain. « Au début, nous étions beaucoup trop panafricains, alors que si on veut toucher les gens au Sénégal, c’est en wolof qu’il faut parler », cite par exemple Sébastien Vetter.

Le choix du smartphone

À la différence d’autres outils de mobile money qui mettent en avant leur capacité à fonctionner sur des téléphones de base, hors connexion, Wizall assume son orientation vers les smartphones. « Il s’agit d’un choix délibéré, car le taux d’équipement est en forte croissance et une application offre bien plus de convivialité et de facilité d’utilisation qu’un système compliqué de textos et de codes », explique Sébastien Vetter.

Cela n’empêche pas les destinataires d’un envoi Wizall non équipés de recevoir leur argent. « Ils peuvent recevoir un message avec un code leur permettant de retirer la totalité de la somme en liquide dans l’un de nos points de vente. Mais ceux qui disposent d’un wallet (portefeuille) peuvent quant à eux choisir de n’en retirer qu’une petite partie ou de l’utiliser en autant d’opérations qu’ils le souhaitent », précise le patron de la start-up.

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