Le mépris d’Israël explique ses revers

Dans le quotidien israélien Haaretz, la journaliste Amira Hass fustige l’arrogance de son pays, qui méprise et sous-estime ses adversaires.

Publié le 28 août 2006 Lecture : 3 minutes.

L’obstination d’Israël à imposer unilatéralement les conditions de vie dans la région perpétue et aggrave sa nature d’élément étranger à cette région. Les futures générations d’Israéliens continueront à en payer le prix.

Ce n’est pas une surprise que la guerre du Liban n’ait pas été réglée en deux coups de cuillère à pot. Pendant six ans, l’armée israélienne a habitué ses soldats à considérer leurs agressions dans les territoires occupés comme des « combats » et des « batailles ». On a entretenu le mythe qu’il existait une symétrie entre l’armée régulière israélienne bien entraînée et des Palestiniens dotés d’armes légères et de bombes artisanales, zigzaguant entre les tanks et les hélicoptères qui ravageaient leurs champs et leurs maisons. Il est vrai qu’en quelques occasions les Palestiniens ont réussi des opérations de guérilla qui ont fait des morts ou des blessés. Mais c’était l’exception. Les attentats-suicides à l’intérieur d’Israël montrent la faiblesse « militaire » des organisations palestiniennes.
L’armée israélienne a envoyé au Liban des soldats à qui l’on a fait croire que la guerre consiste à démolir des maisons de réfugiés avec des tanks et des bulldozers ; qu’une bataille, c’est de tirer du haut d’hélicoptères sur des combattants armés de kalachnikovs qui ne peuvent même pas égratigner les tanks israéliens. Ces soldats pensent que défendre la patrie, c’est interdire à des centaines de milliers de personnes de vivre comme des êtres humains en surveillant des barrages routiers sur leur territoire.

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Autre abus de langage de ces dernières années, l’armée israélienne qualifie d’« abandonnées » les maisons du nord d’Israël dont les occupants ont fui les tirs des Katioucha. C’était pour les porte-parole militaires une manière de justifier la destruction systématique au bulldozer des maisons des habitants civils de Khan Younis et de Rafah, qui fuyaient, quant à eux, les tirs nourris de l’armée israélienne. Les bulldozers ne raseront pas les maisons des Israéliens dans le nord, mais pourquoi des voleurs, par exemple, n’emporteraient-ils pas tout ce sur quoi ils pourront mettre la main ? Ce ne sont que des maisons abandonnées, pourront-ils prétendre.
Pourquoi évoquer aujourd’hui cet aspect des choses ? Parce que la guerre continue contre les Palestiniens. Ensuite, parce que le deux poids deux mesures et le mépris fondamental d’Israël pour tout ce qui n’est pas « nous » explique mieux que le matériel suranné et la formation tronquée des soldats pourquoi ils ont pris autant de coups et continueront d’en prendre. Israël est convaincu qu’au Liban comme à Gaza et en Cisjordanie son pouvoir illimité de destruction est à la fois un facteur de dissuasion et d’incitation au changement politique. Il ignore le facteur humain – à savoir que la capacité de résistance des Palestiniens et des Libanais s’accroît avec le renforcement de notre pouvoir de destruction.

Nous sommes à juste titre préoccupés par la situation des habitants du Nord, nous sommes fiers de leur courage, nous comprenons ceux qui s’en vont, nous sommes indignés par chaque mort et chaque tir de roquette, et nous partageons l’angoisse de ceux qui sont menacés. Mais prenez ce que les habitants du Nord ont subi depuis un mois, multipliez-le par mille, ajoutez un blocus économique, des coupures d’eau et d’électricité, et l’absence de salaire. C’est ce que vivent depuis six ans les habitants de la bande de Gaza. Les Israéliens laissent leur armée détruire et semer la mort dans les territoires palestiniens. Là, comme au Liban, le véritable échec du renseignement et de la sécurité est le refus israélien d’admettre l’étendue des ravages sans limite et sans frein que nous commettons et l’étonnante endurance des Palestiniens. C’est pourquoi Israël a des illusions de « victoire ». Si l’on tire encore des roquettes à Sderot malgré les souffrances des Palestiniens, c’est parce qu’ils estiment, à juste raison, que le pouvoir de destruction israélien n’est pas destiné à faire cesser les tirs de roquettes de Qassam – ou à libérer Gilad Shalit. Il est destiné à leur faire accepter leur soumission, ce qu’ils refusent non par des victoires militaires, mais par leur capacité d’endurance.

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